Prescription biennale en assurance : inopposabilité en cas d’information insuffisante

Amandine Roglin

Lorsqu’un contrat d’assurance se limite à mentionner de manière partielle les dispositions légales relatives à la prescription, le délai biennal prévu par l’article L. 114-1 du code des assurances peut être écarté à l’égard de l’assureur.

 CA Toulouse, 12 févr. 2025, n° 23/03649

Dans cette affaire, des époux constatent des fissures sur l’enduit de la façade de leur immeuble. Ils assignent en référé expertise le 23 décembre 2016 un constructeur et son assureur de responsabilité civile décennale. Après dépôt du rapport d’expertise judiciaire le 16 février 2018, ils assignent les parties au fond le 6 août 2021. Le constructeur appelle ensuite en garantie son assureur responsabilité civile décennale le 20 novembre 2022.

Le juge de la mise en état déclare l’action prescrite, en application du 3ᵉ alinéa de l’article L. 114-1 du code des assurances, considérant que l’action en référé constitue une action en justice déclenchant le délai de prescription biennale.

La cour d’appel confirme que l’action en référé constitue bien un acte interruptif de prescription au sens de L. 114-1, alinéa 3, mais constate que l’information contractuelle sur la prescription est insuffisante :

  • les conditions générales du contrat, ni signées ni datées, se contentent de mentionner que « Toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans à compter de l’évènement qui y donne naissance, dans les conditions déterminées par les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances » ;
  • elles reproduisent uniquement le texte de l’article L. 114-1, sans préciser les causes ordinaires d’interruption de la prescription prévues aux articles 2240 et suivants du code civil.

La cour en déduit que l’assureur n’a pas démontré avoir informé l’assuré de manière complète sur le régime de la prescription biennale, dérogeant au droit commun de la prescription des obligations. Par conséquent, la prescription biennale est inopposable à l’assuré, et l’ordonnance du juge de la mise en état est infirmée.

  1. Principe d’information complète de l’assuré :
    La jurisprudence de la Cour de cassation exige que le contrat d’assurance reproduise ou mentionne de manière exhaustive les causes d’interruption et de suspension de la prescription, conformément aux articles 2240 à 2246 du code civil, pour que le délai biennal soit opposable à l’assuré (Cass. 2e civ., 30 mai 2024, n° 22-19.797).
  2. Action en référé comme point de départ de la prescription :
    Une action en référé, même si elle ne comporte pas de demande indemnitaire chiffrée, constitue une action en justice interruptive de prescription, ce qui fixe le point de départ du délai biennal (Cass. 2e civ., 25 janv. 2018, n° 16-22.133).
  3. Information insuffisante = prescription inopposable :
    Si le contrat ne fournit pas une information complète sur la prescription, notamment sur les causes ordinaires d’interruption (reconnaissance de dette, mesure conservatoire, assignation, etc.), l’assureur ne peut se prévaloir du délai biennal (Cass. 2e civ., 15 nov. 2017, n° 16-20.325).
  4. Protection de l’assuré :
    Cette solution confirme la jurisprudence constante visant à protéger l’assuré contre l’opposabilité de la prescription biennale, lorsque l’information fournie dans le contrat est incomplète ou ambiguë. L’assuré ne peut être tenu responsable de la méconnaissance de délais légaux qui n’ont pas été correctement portés à sa connaissance.

En synthèse, cette décision illustre que :

  • L’action en référé déclenche le délai de prescription biennale, mais ce délai ne peut être opposé à l’assuré si le contrat ne l’informe pas de manière exhaustive des causes d’interruption.
  • La Cour de cassation confirme sa jurisprudence constante sur la nécessité d’une information complète et précise dans le contrat pour que le délai biennal soit opposable à l’assuré.
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