Refus de renouvellement du bailleur et point de départ du délai de prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’éviction

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

SOURCE : Cass. civ. 3ème, 3 novembre 2021, n°20-18351, Inédit

 

I –

 

Les faits de l’espèce sont simples : une société preneuse à bail commercial a sollicité son renouvellement. Le 18 janvier 2017, le bailleur a signifié à la locataire un refus de renouvellement avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction. Le 27 mars 2019, la locataire a assigné son bailleur en désignation d’un expert pour évaluer l’indemnité d’éviction.

 

Tout l’enjeu de cet arrêt était de savoir si l’action de la locataire en fixation d’une indemnité d’éviction était ou non prescrite ?

 

En effet, il n’aura pas échappé aux lecteurs de CHRONOS qu’en matière de baux commerciaux, comme d’ailleurs dans toutes les autres branches du droit, toute action en justice demeure encadrée par des délais de prescription. Cela signifie qu’à défaut d’action dans ces délais, le requérant risque d’être déclaré forclos en son action.

 

II –

 

La locataire fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable, comme prescrite, son action tendant au paiement d’une indemnité d’éviction, au motif que : « le délai de prescription de l’action en fixation de l’indemnité d’éviction ne peut courir avant la date d’effet du refus de renouvellement, soit avant le terme du bail ».

 

Pour le requérant, la prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’éviction commencerait à courir à compter de la date d’effet du refus de renouvellement, soit à compter de l’expiration contractuelle du bail, le 1er avril 2017. En assignant en référé le bailleur le 27 mars 2019, la locataire serait recevable à agir en fixation de l’indemnité d’éviction.

 

La Cour d’appel a rejeté les prétentions du requérant au motif que le délai de prescription avait couru à compter de la date du refus de renouvellement, soit le 18 janvier 2017, et que son action en fixation de l’indemnité d’éviction engagée le 27 mars 2009 était en conséquence prescrite.

 

III –

 

L’argumentation du requérant peut surprendre, notamment si l’on s’en réfère (i) aux dispositions du Code de commerce relative au point de départ de la prescription biennale et (ii) à la jurisprudence de la Cour de cassation.

 

III – 1.

 

Le Code de commerce précise à son article L145-10 alinéa 5 que :

 

« L’acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement ».

 

III – 2.

 

La Haute juridiction juge dans l’arrêt commenté que :

 

«  Le point de départ du délai de prescription biennale de l’action en paiement d’une indemnité d’éviction est la date à laquelle le bailleur signifie son refus du renouvellement ».

 

La Cour ne fait ici qu’asseoir sa position déjà très claire. En effet, dans un arrêt ayant fait les honneurs d’une publication au Bulletin[1], la troisième chambre civile a déjà jugé que toute action en paiement d’une indemnité d’éviction doit, à peine de forclusion, être intentée dans les deux ans à compter de la signification de son refus [de renouvellement] ou de la date à laquelle le congé a été donné.

 

Le bailleur a signifié son refus de renouvellement, avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction, le 18 janvier 2019. La locataire disposait d’un délai de deux ans à compter de cette date pour introduire une demande en fixation de l’indemnité d’éviction, soit jusqu’au 18 janvier 2021. En assignant en référé le bailleur le 27 mars 2019, c’est fort logiquement que l’action a été déclarée prescrite et la locataire forclos en sa demande.

 

[1] Cass. civ. 3ème ; 29 novembre 2000, n°99-12730, FS – B

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