Le délai de prescription d’une action en assurance ne peut être opposé à l’assuré si le contrat ne mentionne pas de manière exhaustive les causes ordinaires d’interruption de la prescription, telles que prévues par les articles 2240 à 2246 du code civil.
Cass. 2e civ., 6 nov. 2025, n° 24-11.128, n° 1103 D
En septembre 2019, le propriétaire d’un immeuble déclare un sinistre au titre de la garantie catastrophes naturelles incluse dans son contrat d’assurance multirisques. Sur la base d’un rapport d’expertise amiable établi en août 2020, l’assureur notifie en septembre 2020 qu’il refuse de garantir les conséquences du sinistre. L’assuré assigne alors l’assureur en référé expertise en octobre 2022.
Le juge des référés rejette la demande comme prescrite en application de l’article L. 114-1 du code des assurances. En appel, l’assuré soutient que le délai de prescription biennale ne peut lui être opposé, invoquant une information insuffisante dans le contrat sur les causes ordinaires d’interruption de la prescription, telles que prévues par le code civil et rappelées par l’article R. 112-1 du code des assurances.
La cour d’appel écarte cette argumentation, considérant qu’un avenant signé par l’assuré reproduit l’article L. 114-1 dans son intégralité et rappelle les causes ordinaires d’interruption mentionnées à l’article L. 114-2 du code des assurances, notamment la demande en justice, l’acte d’exécution forcée ou la désignation d’un expert à la suite du sinistre.
L’assuré se pourvoit alors en cassation, soutenant que la cour d’appel n’a pas vérifié si toutes les causes ordinaires d’interruption étaient effectivement prévues dans le contrat, en particulier :
- la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel la prescription court (C. civ., art. 2240),
- la prise d’une mesure conservatoire en application du code des procédures civiles d’exécution (C. civ., art. 2244).
La Cour de cassation censure l’arrêt pour défaut de base légale : la cour d’appel s’est prononcée sans établir que les causes ordinaires d’interruption de la prescription étaient énoncées de manière exhaustive dans le contrat d’assurance, ce qui rend l’opposabilité du délai incertaine.
- Information complète sur la prescription : La jurisprudence exige que le contrat d’assurance indique toutes les causes ordinaires d’interruption de la prescription figurant dans la section 3 du code civil (articles 2240 à 2246), et pas seulement celles reprises par l’article L. 114-2 du code des assurances (Cass. 2e civ., 30 mai 2024, n° 22-19.797).
- Opposabilité du délai de prescription : Pour que l’assureur puisse se prévaloir de la prescription biennale, le contrat doit fournir une information claire, complète et exhaustive à l’assuré. Une mention partielle ou insuffisante des causes d’interruption rend le délai inopposable.
- Rappel de la distinction jurisprudentielle : La Cour de cassation a déjà affirmé que l’inaction de l’assuré ou l’absence de communication d’informations exhaustives sur la prescription constitue un vice de forme contractuel, privant l’assureur de la possibilité d’opposer la prescription (Cass. 2e civ., 21 janv. 2021, n° 19-25.412 ; Cass. 2e civ., 14 nov. 2019, n° 18-21.655).
- Précaution pour les assureurs : Les assureurs doivent veiller à ce que leurs contrats mentionnent explicitement et intégralement toutes les causes ordinaires d’interruption prévues par le code civil pour éviter toute contestation ultérieure.
Cette décision illustre le principe de protection de l’assuré par la jurisprudence, qui impose une information exhaustive et transparente sur la prescription et ses causes d’interruption, garantissant ainsi la pleine connaissance des droits et obligations contractuels.

