L’employeur doit-il informer le salarié du droit de se taire à l’entretien préalable ?

Pierre FENIE

Le Conseil constitutionnel a décidé, par une décision du 19 septembre 2025, que n’est pas applicable à la relation de droit privé, l’obligation d’informer le salarié du droit de se taire lors de l’entretien préalable.

Le déclenchement de la procédure disciplinaire, notamment lorsque la sanction peut aller jusqu’au licenciement, impose à l’employeur de convoquer le salarié à un entretien préalable. L’employeur doit indiquer les motifs de la décision envisagée et recueillir les explications du salarié[1]. Le code du travail ajoute que le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un conseiller du salarié lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise[2].

Cet entretien a pour objet d’informer le salarié des griefs qui lui sont reprochés et pour permettre au salarié de s’expliquer sur les faits reprochés. L’employeur peut alors tenir compte des explications fournies par le salarié pour prendre sa décision. Aucune disposition n’impose en revanche à l’employeur d’informer le salarié de l’existence d’un droit de se taire lors de l’entretien préalable.

Le droit de se taire est pourtant un principe fondamental de la procédure pénale, protégé par la Convention européenne des droits de l’homme et le code de procédure pénale. Puis, le Conseil constitutionnel a étendu le droit de se taire à toute sanction ayant le caractère d’une punition notamment concernant les procédures disciplinaires.

En effet en matière disciplinaire, le Code général de la fonction publique ne prévoit pas explicitement l’obligation d’informer le fonctionnaire de son droit de se taire. Cependant, la jurisprudence administrative impose que le fonctionnaire faisant l’objet d’une procédure disciplinaire soit informé, avant toute audition, du droit qu’il a de se taire. Cette exigence s’applique même en l’absence de texte spécifique, dès lors que la procédure disciplinaire peut aboutir à une sanction[3].

Étant donné que le droit de se taire s’applique à différentes matières exposées précédemment, la question posée au Conseil constitutionnel était de savoir si le droit de se taire était applicable à la relation de travail de droit privé.

Les requérants reprochaient aux dispositions du Code du travail de ne pas prévoir que le salarié est informé par l’employeur du droit de se taire lors de l’entretien préalable, de sorte qu’il en résultait une méconnaissance des exigences découlant de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le Conseil constitutionnel décide que le droit de se taire ne s’applique pas à la relation de travail. Pour cela, il indique d’une part que le licenciement et la sanction décidés par un employeur à l’égard d’un salarié ou d’une personne employée dans les conditions du droit privé ne relèvent pas de l’exercice par une autorité de prérogatives de puissance publique. D’autre part, de telles mesures sont prises dans le cadre d’une relation régie par le droit du travail et ont pour seul objet de tirer certaines conséquences, sur le contrat de travail, des conditions de son exécution par les parties. Ainsi, ni le licenciement pour motif personnel d’un salarié ni la sanction prise par un employeur dans le cadre d’un contrat de travail ne constituent une sanction ayant le caractère d’une punition au sens des exigences constitutionnelles précitées.

Dès lors, le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789, faute de prévoir que le salarié doit être informé de son droit de se taire lors de l’entretien préalable à un licenciement pour motif personnel ou à une sanction, ne peut qu’être écarté. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

En définitive, l’employeur n’a pas l’obligation d’informer le salarié du droit de se taire, ni dans la lettre de convocation, ni à l’entretien préalable.

Sources : Cons. const., décision n° 2025-1160/1161/1162 QPC du 19 septembre 2025


[1] C. trav., art. L. 1232-3

[2] C. trav., art. L. 1232-4

[3] Décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024

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