L’insuffisance d’actif n’est pas une condition de la faillite personnelle

Antoine DUMONT

Dans un arrêt du 12 juin 2025, la Cour de cassation rappelle que l’insuffisance d’actif ne figure pas parmi les conditions permettant le prononcé de la faillite personnelle du dirigeant. En conséquence, l’absence d’insuffisance d’actif ne peut fonder le refus du prononcé d’une faillite personnelle.

Source : Cass. com., 12 juin 2025, n°24-13.566

I –

Les 12 mai et 30 juin 2010, une société spécialisée dans le levage et les travaux publics est mise en redressement puis en liquidation judiciaire.

Le liquidateur de ladite société assigne le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d’actif et en prononcé de faillite personnelle.

En cause d’appel, les juges de la Cour d’appel de Saint-Denis infirment la décision de première instance qui avaient prononcé la faillite personnelle du dirigeant au motif que l’ensemble de la documentation fournie par le liquidateur ne permettait pas d’établir une insuffisance d’actif.

Le liquidateur forme alors un pourvoi en cassation en se fondant, d’une part, sur un moyen procédural et l’article 4 du Code de procédure civile relatif à l’objet du litige et, d’autre part, sur le fait que le prononcé d’une faillite personnelle n’est pas lié à la démonstration de l’existence d’une insuffisance d’actif.

II –

Après avoir constaté que les juges de la cour d’appel avaient modifié l’objet du litige qui est déterminé par les prétentions respectives des parties, la Haute Cour vise également les articles L. 653-4 et L. 653-5 du Code de commerce pour casser l’arrêt.

Aux termes de ces articles, la faillite personnelle, qui on le rappelle, emporte une interdiction de direction, de gestion, d’administration ou de contrôle, directement ou indirectement, de toute entreprise[1] peut être prononcée lorsqu’est constatée l’un des faits énumérés, soit lorsque le dirigeant[2] a :

  • Disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;
  • Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
  • Fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
  • Poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale ;
  • Détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Ou lorsque toute personne mentionnée à l’article L.653-1 du Code de commerce[3] a :

  • Exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
  • Dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
  • Souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou de la personne morale ;
  • Payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
  • En s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
  • Fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
  • Déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée.

III –

La lecture de ces textes ne permet pas d’identifier l’insuffisance d’actif comme l’une des conditions permettant de prononcer la faillite personnelle du dirigeant.

Ainsi, la Cour d’appel ne pouvait refuser de prononcer la faillite personnelle du dirigeant au motif qu’il n’était pas établi une insuffisance d’actif. Se faisant, les juges de la cour d’appel ont ajouté à la loi une condition non prévue par le Code de commerce.

En conséquence, la Cour de cassation casse l’arrêt : « le tribunal peut prononcer la faillite personnelle du dirigeant de la personne morale débitrice contre lequel a été relevé un ou plusieurs faits énumérés par les articles L. 653-4 et L. 653-5 du code de commerce, sans qu’il soit tenu de constater l’existence d’une insuffisance d’actif ».

On peut ajouter que cette solution semble être également applicable à l’interdiction de gérer de l’article L.653-8 du Code de commerce, puisque cette sanction peut être prononcée « à la place de la faillite personnelle » il peut être légitime de penser que les conditions sont strictement identiques et qu’il ne peut en être ajouté à celles présente dans le Code de commerce concernant les cas d’ouverture de la faillite personnelle à l’encontre du dirigeant.


[1] Article L. 653-2 du Code de commerce

[2] Article L.653-4 du Code de commerce

[3] Article L.653-5 du Code de commerce

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