SOURCE : TC NANTERRE, 5 février 2015, n°2013F00738, Nerim FAST LEASE
Cf également CA VERSAILLES, 25 mars 2014, n°12/07079
Maldives, Serbie, Létonie, Somalie, Timor Oriental, … Les factures de téléphone consécutives à des piratages de ligne téléphonique font « voyager » à prix fort. Quels sont les recours du client ?
En l’espèce, une société de location de voiture reçoit une facture mensuelle de plus de 12.000 € TTC au titre d’appels émis vers l’international, accompagnée d’une alerte sur l’utilisation anormale de sa ligne qui pourrait avoir une origine frauduleuse. Son opérateur téléphonique l’invite ainsi à changer ses codes d’accès sur le matériel téléphonique et de sécuriser ainsi son installation.
La société refuse d’acquitter cette facture, en confirmant être victime d’un piratage. Assignée en paiement, elle excipe du principe de la force majeure, qui n’est pas retenu par le Tribunal de commerce de Nanterre, puisque le central téléphonique était protégé par un mot de passe qui n’avait jamais été modifié depuis la sortie d’usine (0000) rendant l’installation vulnérable. Pour les juges du fond, une modification du mot de passe aurait rendu impossible le piratage. Le caractère irrésistible de la force n’était donc pas caractérisé.
Il en résulte, pour le TC de NANTERRE, rappelant ainsi la jurisprudence de la Cour d’appel de VERSAILLES, que la société devait donc s’acquitter des 12.000 €.:
« (…) les appels passés frauduleusement ou à l’insu des abonnés n’exonèrent pas ces derniers de leur obligation de payer les factures »
Certes, mais devait-elle pour autant s’acquitter seule de cette somme, alors qu’elle disposait d’un contrat de maintenance auprès d’une société tierce ?
Si « c’est à l’utilisateur d’une installation téléphonique de gérer la sécurité de celle-ci en changeant régulièrement de mot de passe », encore faut-il « qu’il ait été informé de cette nécessité et qu’on lui ait également montré comment procéder », selon le Tribunal.
La société de maintenance a contractuellement, envers l’utilisateur profane, une mission « d’information, d’assistance et de formation » l’obligeant à « vérifier l’état de sécurisation de l’installation téléphonique de sa cliente et de vérifier que celle-ci l’utilisait dans des conditions optimales de sécurité et d’efficacité » et « s’assurer quelle était informée de la nécessité de modifier son mot de passe régulièrement ».
Cette obligation est remplie lorsque seuls 6 postes téléphoniques sur 30 contiennent un mot de passe non sécurisé, démontrant que l’utilisateur avait connaissance de la procédure de modification du mot de passe et sa nécessité d’y procéder, mais ne l’a pas appliquée[1]. Elle ne l’est en revanche pas dans cette affaire, dans laquelle aucun mot de passe des lignes téléphoniques n’avait été modifié, laissant les paramètres d’usine des postes téléphoniques en fonctionnement, malgré 3 ans d’utilisation.
Le piratage est ainsi imputable à la négligence de la société de maintenance, condamnée à rembourser au client la facture payée à l’opérateur téléphonique.
Cette décision est conforme à la jurisprudence naissante de la Cour d’appel de VERSAILLES selon laquelle « il appartient à la société de maintenance, notamment à l’occasion des visites auxquelles elle devait procéder, de vérifier l’état de sécurisation de l’installation téléphonique de sa cliente et de vérifier que celle-ci utilisait l’installation dans des conditions optimales de sécurité et d’efficacité ; qu’elle devait s’assurer qu’elle était informée de la nécessité de modifier son mot de passe régulièrement ».
Le client aurait-il pu également invoquer un manquement à l’obligation de délivrance à l’encontre de l’opérateur téléphonique, qui ne lui aurait pas fourni un matériel suffisamment sécurisé ? La Cour d’appel de VERSAILLES, tout comme le Tribunal de commerce de NANTERRE, y aurait été défavorable, considérant que l’installation d’un mot de passe à quatre chiffres « fréquemment changé » rend « impossible » tout piratage.
A ce sujet, la Cour d’appel de PARIS a déjà pu, par ordonnance du 22 janvier 2013[2], accueillir favorablement une demande d’expertise in futurum et désigner expert avec notamment pour mission de rechercher, après avoir vérifié que la surconsommation avait un caractère frauduleux, si le piratage de la ligne de l’abonné « a été rendu possible par une défaillance du réseau de la SA France TELECOM ou/et de l’installation privée de l’abonné ».
Les conclusions de l’Expert ne nous sont, pour le moment, pas connues.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] CA VERSAILLES, 18 novembre 2014, n°13/01375
[2] CA PARIS, Pole 1 CH3, 22 janvier 2013, n°12/11452