L’occupation de locaux donnés à bail emphytéotique à une personne privée peut-elle être qualifiée de bail commercial ?

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : 3ème civ, 28 janvier 2015, n°13-24.661, Inédit

 

Comme nous le rappelions dans un précédant commentaire[1], le statut des baux commerciaux ne s’applique pas aux conventions, même entre personnes privées[2], ayant pour objet des biens dépendant du domaine public, et même si, entre temps, les biens se retrouvent déclassés[3]. Il en résulte que si un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public[4], aucun bail commercial ne peut y être conclu.

 

Qu’en serait-il toutefois de la mise à disposition de biens « privés » légalement construits sur un terrain dépendant du domaine public, rendu possible par application des dispositions de l’article L1311-2 du CGCT ci-après reprises :

 

« Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet d’un bail emphytéotique prévu à l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime (…). Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif. (…) ».

 

Tout comme dans le bail emphytéotique de l’article L451-1 du Code rural, le bail emphytéotique administratif confère à l’emphytéote un droit réel sur le bien qui lui est donné à bail, de sorte que, pendant toute la durée du bail, les constructions réalisées lui appartiennent. Les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier dont le maintien à l’issue du titre d’occupation est accepté ne deviendront de plein droit et gratuitement la propriété de l’Etat qu’à l’issue du bail.

 

Il en résulte que l’emphytéote administratif peut conclure toute convention sur l’immeuble.

 

En l’espèce, une société s’était vue confié l’exploitation d’un bar restaurant d’un complexe sportif, par un emphytéote administratif au titre d’une « convention d’utilisation », que la société a voulu voir requalifiée en bail commercial.

 

Pour rejeter sa demande, la Cour d’appel de Pau, relève que la société ne démontre pas détenir une clientèle personnelle, élément constitutif du fonds de commerce, et qu’en toute hypothèse, la convention portant occupation privative du domaine public, elle ne peut être qualifiée de bail commercial.

 

L’arrêt est confirmé par la Cour de cassation, sans avoir à être apprécié sur la question de la prise à bail commercial de locaux construits par un emphytéote administratif. Pour la Cour de cassation, l’occupant ne démontrant pas l’existence d’une clientèle propre, il ne peut disposer d’un fonds de commerce, de sorte que l’existence d’un bail commercial ne se pose pas.

 

Seul l’exploitant d’un fonds de commerce peut en effet bénéficier du statut des baux commerciaux.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats


[1] Cf notre article :  « Le statut des baux commerciaux ne s’applique pas aux conventions portant sur des biens dépendant du domaine public, même déclassés postérieurement à la convention »

[2] 3ème civ, 20 décembre 2000, n°99-10896

[3] 3ème civ, 17 mai 2011, n°10-19175 ; 3ème civ, 6 février 2013, n°11-20207

[4] Cf notre article du 19 mars 2014,  « Une activité de marchand ambulant exploitée par concession d’emplacement peut être un fonds de commerce »

 

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