Rejet d’une plainte par la Commission Européenne au motif qu’une autorité de la concurrence d’un Etat membre traite déjà l’affaire

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE :

Tribunal, 17 décembre 2014, aff T-201/11

Commission Européenne, décision C(2011) 355 final, 24 janvier 2011, COMP/39.707, Si.mobil/Mobitel

 

Conformément au Règlement (CE) n°1/2003 du 16 décembre 2002[1], la Commission Européenne veille à l’application directe des règles européennes de concurrence, définies dans les articles 101 à 109 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)[2], en collaboration avec les autorités nationales.

 

Elle exerce ainsi des pouvoirs d’enquête, statue sur le comportement d’entreprises et les sanctionne en cas d’infraction.

 

Cette compétence n’a cependant pas vocation à supplanter celle des autorités administratives des Etats membres.

 

En l’espèce, alors que l’autorité administrative de la concurrence Slovène, « l’Urad Republike Slovenije za varstvo konkurence » (UVK) avait ouvert une procédure relative à des pratiques anticoncurrentielles et de position dominante d’une société de téléphonie mobile, l’un de ses concurrents à saisi la Commission Européenne d’une plainte au titre de la violation des dispositions de l’article 102 TFUE.

 

Cette plainte portant sur les mêmes pratiques que celles étudiées par l’UVK, la Commission, après avoir préalablement invité la société concurrente à retirer sa plainte pour agir directement devant l’UVK, a rejeté la plainte. En effet, selon la commission, se fondant sur l’article 13 du Règlement précité,

 

« 1. Lorsque les autorités de concurrence de plusieurs États membres sont saisies d’une plainte ou agissent d’office au titre de l’article 81 ou 82 du traité [101 et 102 TFUE] (…). La Commission peut également rejeter une plainte au motif qu’une autorité de concurrence d’un État membre la traite. »

 

Le concurrent a saisi le Tribunal, qui a pu, pour la première fois, se positionner sur l’interprétation de ce texte. Le Tribunal relève que « ni le règlement n° 1/2003 ni la communication sur le réseau ne prévoit une règle de répartition des compétences entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres » (§37), de sorte « même à supposer que la Commission ait été particulièrement bien placée pour traiter l’affaire et que l’UVK n’ait pas été bien placée pour le faire, la requérante ne disposait d’aucun droit à voir l’affaire traitée par la Commission » (§40).

 

Pour le Tribunal, la Commission peut ainsi décliner sa compétence au profit de la juridiction nationale saisie lorsque deux conditions cumulatives sont réunies :

 

1) Une Autorité de concurrence d’un Etat Membre « traite » l’affaire.

 

Pour le Tribunal, l’Autorité de la concurrence saisie, qui doit être « indépendante » de l’Etat, doit être en cours d’enquête sur l’affaire, la traiter « activement ». Le simple dépôt de plainte et son enregistrement ne saurait ainsi justifier une décision de rejet de plainte.

 

La Commission n’a toutefois pas à s’assurer que l’Autorité saisie dispose des moyens institutionnels, financiers et techniques pour accomplir la mission confiée, que présentait d’ailleurs l’UVK en l’espèce, ni des orientations retenues par cette autorité.

 

2) L’affaire porte sur le « même accord », la « même décision d’association » ou la « même pratique » que celle objet de la plainte.

 

La Commission doit constater que la procédure menée par l’Autorité saisie concerne « les mêmes infractions alléguées, commises au même moment sur le même marché » que celles dont elle est saisie.

 

Tel était également le cas en l’espèce.

 

Le Tribunal rejette donc les arguments de la demanderesse, considérant, tout comme la Commission, que l’Union n’avait pas un intérêt suffisant à poursuivre l’examen de l’affaire.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Règlement (CE) n°1/2003 du 16 décembre 2002

[2] Traité sur le fonctionnement de l’union européenne

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