Responsabilité décennale  et charge de la preuve du caractère caché du désordre

Amandine Roglin
Amandine Roglin

La charge de la preuve du caractère caché du désordre appartient au demandeur et non au constructeur.

Source : Cass. 3e civ., 2 mars 2022, n° 21-10.753, n° 212 FS-B

Selon les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil, la responsabilité décennale des constructeurs n’est engagée qu’en présence de désordres cachés à la réception rendant l’ouvrage impropre à sa destination ou compromettant sa solidité.

Le caractère apparent ou caché d’un désordre lors de la réception de l’ouvrage est donc déterminant pour l’application des garanties du constructeurs.

Un désordre est considéré comme apparent lorsqu’il est connu du maître de l’ouvrage lors de la réception des travaux (Cass. 3e civ., 19 mars 1986, n° 84-13.201, n° 270 P : Bull. civ. III, n° 29).

Le caractère visible s’apprécie in concreto, eu égard à la compétence technique du maître de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 20 juill. 1994, n° 92-17.291 ; Cass. 3e civ., 1er mars 2011, n° 10-11.759).

Dès lors, se pose la question de la charge de la preuve du caractère caché du désordre.

Selon une jurisprudence constante en la matière (Cass. 3e civ., 7 juill. 2004, n° 03-14.166, n° 839 FS-P + B ; Cass. 3e civ., 14 mars 2006, n° 04-19.832), l’arrêt commenté rappelle que c’est au demandeur (maître de l’ouvrage, acquéreur, sous-acquéreur) qui agit sur le fondement de l’article 1792 du code civil de rapporter la preuve que les conditions d’application de ce texte sont réunies.

En l’espèce, un maître de l’ouvrage avait confié à une entreprise la construction d’un immeuble à usage professionnel, avant que la propriété de l’immeuble ne soit transférée par la suite et les locaux donnés à bail.

Le nouveau propriétaire et son locataire, après avoir relevé différentes malfaçons et non-conformités.

Le constructeur a été assigné aux fins d’indemnisation.

Le constructeur a été condamné en appel, la Cour estimant que le constructeur n’avait pas rapporté la preuve du caractère apparent de la non-conformité allégué par le maître d’ouvrage profane au jour de la réception.

Il a formé un pourvoir en cassation.

L’arrêt est censuré au visa de l’article 1315, alinéa 1er, devenu l’article 1353, alinéa 1er, du code civil.

La Cour de cassation, conformément au droit commun, rappelle le principe suivant lequel c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.

Il appartient donc à l’acquéreur de l’ouvrage, demandeur à l’instance, qui agit sur le fondement de la responsabilité décennale du constructeur, de rapporter la preuve du caractère caché des désordres lors de la réception.

La cour d’appel ne pouvait, sans inverser la charge de la preuve, juger que cette obligation incombait au constructeur.

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