Sources : Cass. ass. plén., 5 déc. 2014, n° 13-19.674
I-
A la base, il s’agit d’une VEFA présentant les caractéristiques suivantes :
12 octobre 2005 délivrance du permis de construire
01 juin 2007 déclaration d’ouverture de chantier
11 juillet 2007 fourniture d’une garantie extrinsèque par le banquier
05 octobre 2007 réception par le notaire de la VEFA
12 octobre 2007, péremption du permis de construire Les travaux n’ayant, en réalité, pas commencé ( R. 421-32 du code de l’urbanisme )
10 janvier 2008, le premier appel de fonds est payé par le prêteur directement au vendeur, au vu d’une attestation d’achèvement des fondations établie par un architecte.
Liquidation judiciaire du vendeur
L’acquéreur assigne alors le préteur de deniers et le notaire.
Il reproche au premier d’avoir autorisé un versement entre les mains du vendeur alors que partie à l’acte, auquel elle est intervenue pour l’octroi du prêt ; elle ne pouvait ignorer les clauses de cet acte relatives au fait que tous les paiements devaient être effectués sur un compte centralisateur tenu par le garant d’achèvement, cette obligation était rappelée à trois reprises dans l’acte :
« la société Norfi ( le banquier) ne pouvait donc effectuer un paiement non conforme aux clauses de l’acte de vente sans avoir exercé son devoir de conseil à leur égard ; qu’en s’en abstenant, elle a commis une faute qui a fait perdre à ses clients une chance de pouvoir récupérer les fonds auprès du garant d’achèvement »
Et à l’officier ministériel de ne pas s’être assuré que le permis de construire n’était pas périmé ou sur le point de l’être .A ce titre, celui-ci devait vérifier le commencement des travaux dans le délai de péremption, une déclaration d’ouverture de chantier ne constituant pas un tel commencement
La cour d’appel (CA Bordeaux, 28 mars 2013) condamne le prêteur à payer une certaine somme aux acquéreurs et déboute ces derniers de leur demande indemnitaire à l’encontre du notaire.
II-
La Cour de cassation, censure la mise hors de cause du notaire Ni la formalité d’une déclaration d’ouverture de chantier ni l’existence d’une garantie d’achèvement ne dispensaient le notaire, tenu d’assurer l’efficacité de l’acte de vente en l’état futur d’achèvement qu’il dressait le 5 octobre 2007, de vérifier le commencement effectif des travaux, seule circonstance de nature à prolonger le délai de validité du permis de construire délivré le 12 octobre 2005, en l’absence de demande de prorogation, et d’informer les acquéreurs des risques qu’ils couraient.
La Haute juridiction casse également partiellement l’arrêt d’appel, au visa de l’ article 1147 du Code civil qui partage la responsabilité entre l’acquéreur et le préteur de deniers au motif que l’acquéreur avait lui-même commis une faute en demandant au préteur de denier de libérer une partie du prêt entre les mains du vendeur et non du garant extrinsèque :
« Qu’en statuant ainsi après avoir relevé que selon l’acte de vente auquel elle était partie, la société Norfi, banquier prêteur, devait procéder au paiement des acomptes directement entre les mains du garant d’achèvement, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé » ;
III-
Les enseignements de cette décision sont clairs.
Le notaire doit procéder à un contrôle opérationnel de l’efficacité de son acte ce qui sous-tend la mise en œuvre de vérifications sur places ou la justification d’un réel commencement du chantier ( attention aux faux)
Le banquier doit refuser de libérer à une personne autre que celle qui dans l’acte de vente doit en être le destinataire. A défaut il engage seul sa responsabilité .Doit on procéder à une distinction entre un emprunteur averti ou non pour parvenir à une telle décision. L’arrêt ne procède à aucune distinction. Il est vraisemblable que face à un emprunteur averti le partage de responsabilité aurait été retenu .Affaire à suivre toutefois
Eric DELFLY
Vivaldi-Avocats