SOURCE : 3ème civ, 9 juillet 2014, n°12-29329, FS – P+B
Le statut des baux commerciaux s’applique, de manière impérative, « aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité ». Dès lors que l’exploitation est conforme aux stipulations du bail, cette application est automatique, quelles que soient les circonstances à l’occasion desquelles le bail a été conclu ou les autres stipulations du bail.
Un précédent arrêt de la Cour de cassation permettait toutefois au juge de rechercher la commune intention des parties pour requalifier un bail[1]. Le présent arrêt atténue cette possibilité et précise que cette recherche doit être exceptionnelle.
En l’espèce, une villa avec jardin est donnée à bail intitulé « de location » à un locataire, pour une durée de 3 ans renouvelable par tacite reconduction.
Conformément à l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 régissant les baux d’habitation, le bailleur signifie au locataire un congé pour vendre. Celui-ci refuse ainsi de quitter les lieux et assigne son bailleur devant le Tribunal de Grande Instance territorialement compétent. Il prétend que le bail est mixte et qu’il bénéficie du statut des baux commerciaux, puisqu’il exploite, en accord avec les stipulations du bail, un fonds de commerce dans les lieux loués.
En effet, aux termes du bail « le preneur pourra exercer dans les lieux toutes activités professionnelles commerciales et industrielles et notamment toute activité d’édition, de publicité, d’impression et, ou les utiliser à usage d’habitation bourgeoise autre de résidence principale ou secondaire ».
A l’instar de la Cour d’appel d’Anger, confirmé en 2009 par la Cour de cassation, la Cour d’appel d’Aix en Provence procède à une analyse des circonstances ayant conduit à la conclusion du bail. Pour les juges du fond, à la date du contrat, le bail n’était pas destiné à l’exploitation d’un fonds de commerce : il était de la commune intention des parties de conclure un bail d’habitation, et non un bail mixte.
Par conséquent, la Cour partage la position du bailleur, qui soutenait que l’exercice de telles activités n’est qu’une tolérance, concédée par le bailleur.
Cette position est censurée par la Cour de cassation. En effet, contrairement à l’affaire soumise à l’appréciation des juges angevins, dans laquelle le bail stipulait que le locataire pouvait, pour des motifs administratifs, développer une activité dans l’une des pièces de la maison louée, mais que « le présent accord ne saurait en rien modifier la nature et la location consentie qui conserve le caractère exclusif de location à usage d’habitation », dans l’espèce commentée, aucune clause du bail n’encadre l’autorisation du bailleur.
Par conséquent :
« Qu’en statuant ainsi, alors que le bail stipulait que le preneur ” pourra exercer dans les lieux toutes activités professionnelles, commerciales ou industrielles ” et qu’elle constatait qu’un fonds de commerce était exploité dans les lieux, la cour d’appel, qui a dénaturé les clauses du bail, a violé [les articles L145-1 du Code de commerce et 1134 du Code civil] »
Cette espèce pourrait également, à notre avis, s’étendre aux fonds de commerce exploités par un locataire à bail d’habitation dans les lieux loués dans le silence du contrat de bail sur cette faculté, et en conformité avec la destination de l’immeuble.
Ainsi, par prudence, pour un immeuble qui n’est pas exclusivement destiné à l’habitation, mieux vaut toujours insérer dans le contrat de bail d’habitation une clause selon laquelle la location est à usage d’habitation, exclusive de toute activité commerciale, industrielle et artisanale[2].
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] 3ème civ, 9 décembre 2009, n°08-18038, Publié au Bulletin
[2] 3ème civ, 10 décembre 2002, n°01-13853, Inédit