SOURCE : Déc. AMF, CDS, 7 mai 2018, procédure 17-06, décision n°5
Afin d’identifier les auteurs d’éventuelles infractions boursières, le secrétaire général de l’AMF peut décider de l’ouverture d’une enquête portant des faits susceptibles de constituer des infractions boursières, (abus de marché, atteinte au bon fonctionnement des marchés, etc.)
Les enquêteurs, auxquels le secret professionnel ne peut être opposé (sauf par des auxiliaires de justice, ou au titre du secret défense), disposent de pouvoir étendus leur permettant de se faire communiquer tout document ou d’auditionner toute personne susceptible d’intéresser l’enquête, lesquels sont tenus de collaborer de bonne foi à l’enquête.
Cependant, avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, le manquement à l’obligation de collaborer de bonne foi n’était sanctionné que comme délit pénal (article L. 642-2 du CMF). Inadaptée, la sanction était en pratique peu utilisée[1] prenant au dépourvu des enquêteurs dans l’incapacité de faire sanctionner les manœuvres dilatoires et manque de collaboration des personnes interrogées.
L’article 36 de la loi du 26 juillet 2013 a introduit l’article L. 621-15, II f au Code monétaire et financier, relatif au manquement d’entrave aux opérations d’enquête. Ce nouveau dispositif permet à l’AMF de sanctionner :
« Toute personne qui, dans le cadre d’une enquête ou d’un contrôle effectués en application du I de l’article L. 621-9, sur demande des enquêteurs ou des contrôleurs et sous réserve de la préservation d’un secret légalement protégé et opposable à l’Autorité des marchés financiers, refuse de donner accès à un document, quel qu’en soit le support, et d’en fournir une copie, refuse de communiquer des informations ou de répondre à une convocation, ou refuse de donner accès à des locaux professionnels ; »
En l’espèce, dans le cadre d’une enquête portant sur une société admise aux négociations sur EURONEXT PARIS, concernant des retards et omission de communications d’informations, les enquêteurs avaient notamment sollicité la copie de la messagerie électronique du dirigeant de la société, lequel, concomitamment à la demande, avait procédé à la suppression d’une partie des fichiers de sa messagerie.
Invoquant des difficultés techniques, liées à la compression des fichiers, le dirigeant plaide la bonne foi. Mais la commission des sanctions, sur la base des conclusions d’un expert en informatique, estime qu’il s’agit d’une suppression intentionnelle de documents liés à l’enquête.
Pour la Commission des sanctions :
« la suppression par M. Gallot-Lavallée de plus de 38 000 courriels de sa messagerie préalablement à la remise d’une copie de celle-ci aux enquêteurs de l’AMF est particulièrement grave, en ce qu’elle avait pour objet d’induire en erreur ces derniers sur le contenu de cette messagerie, de dissimuler des éléments pertinents pour l’enquête et, en conséquence, de faire obstacle à la manifestation de la vérité »
Le dirigeant est en conséquence condamné au règlement de la somme de 150.000 €, qui sanctionne tant son implication aux retards et omission de communications d’informations de la société, que sa maladresse lors de l’enquête, sans qu’il ne soit possible d’isoler le « coût » de l’obstruction.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Cf projet de loi http://www.senat.fr/rap/l12-422-1/l12-422-130.html