SOURCE : Conseil d’Etat, 21 octobre 2013, req. n° 361173
La conciliation entre ces différents intérêts a récemment été illustrée par un arrêt du Conseil d’état en date du 21 octobre 2013, au carrefour du droit de la nationalité (et donc des dispositions du Code civil), de la théorie de l’acte administratif et de celle, classique, séculaire, des conflits de loi dans le temps.
Les faits de l’espèce méritent d’être rappelés.
Un ressortissant algérien avait déposé une demande de naturalisation le 4 novembre 2008 dans laquelle il se prévalait de deux éléments de nature à favoriser sa demande : sa résidence en France et son mariage avec une personne de nationalité française.
Postérieurement, en 2009, le demandeur à la naturalisation est parti s’installer en Arabie Saoudite. Par ailleurs, il est apparu que son mariage avec une française était intervenu sans qu’une union préalable n’ait été dissoute.
Au moment où il a été naturalisé, par décret du 9 avril 2010, publié au Journal officiel du 11 avril 2010, il ne pouvait donc être regardé comme remplissant la condition exigée par l’article 21-16 du code civil, de résidence en France à la date de la naturalisation et, ayant contracté un second mariage sans avoir invoqué la dissolution de sa précédente union, il ne justifiait pas non plus de son assimilation à la communauté française requise par l’article 21-24 du même code.
Ce décret a été rapporté par décret du 23 mars 2012 pour ce double motif.
Il doit être précisé, en droit, que la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 a modifié l’article 27-2 du code civil en portant de un à deux ans le délai dans lequel les décrets portant acquisition de la nationalité française, naturalisation ou réintégration peuvent être retirés si l’intéressé ne satisfait pas aux conditions légales pour acquérir la nationalité française.
Le retrait est ainsi intervenu peu avant l’expiration du nouveau délai de retrait.
Toutefois, et comme n’a pas manqué de le remarquer le Conseil d’Etat, le nouveau délai biennal n’a pu commencer à courir, dans la mesure où, à la date de l’entrée en vigueur de la réforme, l’ancien délai, annal, avait déjà expiré :
« Considérant qu’il ressort des éléments versés au dossier que le décret du 9 avril 2010 ayant naturalisé M. A…a été publié au Journal officiel du 11 avril 2010 ; que le délai de retrait de ce décret, fixé à un an avant l’entrée en vigueur de la loi du 16 juin 2011, était ainsi expiré avant la date d’entrée en vigueur de cette loi ; que l’expiration de ce délai avant cette date faisait obstacle, ainsi qu’il a été dit au point 4, à ce que le décret puisse être retiré le 23 mars 2012 au bénéfice de la modification du délai résultant de la loi du 16 juin 2011 ».
Cette décision, illustrative d’une solution classique en matière de conflits de normes dans le temps, aurait probablement, sur un terrain politique, et selon certains, d’autres résonances… Mais c’est un autre sujet.
Stéphanie TRAN
Vivaldi-Avocats