Source : Conseil constitutionnel, décision n° 2022-988, QPC du 08/04/2022
Lorsque l’administration ne peut pas exercer son contrôle du fait d’une opposition par le redevable ou par l’intermédiaire d’un tiers, les bases d’imposition sont évaluées d’office[1].
Ce principe vaut également en cas d’opposition à la mise en œuvre du contrôle des comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés dans les conditions prévues au II de l’article L47 A du Livre des Procédures Fiscales[2].
Au regard de l’article 1732 du Code général des impôts, la mise en œuvre de cette procédure d’évaluation d’office entraîne les conséquences suivantes :
Application d’une majoration de 100 % aux droits rappelés ainsi qu’aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l’État ;
Interdiction de participer aux travaux des commissions instituées par les dispositions de l’article 1650 du CGI à l’article 1652 bis du CGI et par l’article 1653 A du CGI (commission communale des impôts directs ; commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ; commissions centrales des impôts directs ; commission départementale de conciliation).
Le Conseil constitutionnel est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité sur les dispositions de l’article 1732 du CGI.
En effet, la société intervenante soutient que l’application automatique de la majoration prévue par ces dispositions méconnaîtrait le principe de proportionnalité des peines.
De ce fait, le Conseil constitutionnel doit s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue. Or, par la mise en place de ces dispositions, les volontés du législateur sont de réprimer les comportements visant à faire obstacle au contrôle fiscal et de ce fait poursuivent l’objet de lutte contre la fraude fiscale.
La sanction prévue par le législateur est en lien avec la nature de l’infraction. Au regard de la gravité du comportement, le Conseil constitutionnel juge que la majoration de 100 % n’est pas manifestement disproportionné.
Dans cette même QPC, le requérant reproche à ces dispositions de sanctionner par une majoration de droits l’opposition à contrôle fiscal alors que les dispositions de l’article 1746 du CGI prévoient déjà une peine d’amende en cas d’entrave aux fonctions des agents de l’administration fiscale. Il en résulterait une méconnaissance du principe non bis in idem.
Le principe de nécessité des délits et des peines prévoit qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux.
L’article 1746 du CGI réprime par une amende correctionnelle le comportement de toute personne visant à faire obstacle à l’accomplissement par les agents de l’administration de leurs fonctions, mais ce indépendamment de la mise en œuvre d’un contrôle fiscal et du fait que des droits aient ou non été éludés.
Or, la majoration de 100 % ne peut s’appliquer qu’à un contribuable qui s’est opposé à un contrôle fiscal à la suite duquel l’administration établit qu’il a éludé des droits.
De ce fait, le Conseil constitutionnel retient que les dispositions des articles 1746 et 1732 du CGI ne répriment pas les mêmes faits.
Pour les raisons qui précèdent, le Conseil constitutionnel juge que la majoration de 100 % prévue par l’article 1732 du CGI ne méconnait pas le principe de nécessité des délits et des peines et le principe de proportionnalité des peines.
Les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit et doivent ainsi être déclarées conformes à la Constitution.
[1] Livre des Procédures Fiscales, art. L74
[2] BOI-CF-IOR-40 n°10