La Cour de l’Union Européenne censure l’interprétation de l’administration fiscale pour l’application du taux réduit de TVA en matière de livraison d’œuvre d’art par un photographe

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Source : CJUE 5/09/2019 C-145/18

 

Dans un arrêt du 20/02/2018 n°400837 commenté dans le cadre de la présente newsletter, le Conseil d’Etat interrogeait la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) sur les conditions dans lesquelles un photographe professionnel pouvait bénéficier du taux réduit de TVA dans le cadre d’une livraison d’œuvre d’art en lui transmettant une question préjudicielle.

 

L’avocat général en charge de cette affaire critiquait très sévèrement la position de l’administration fiscale française dans ses conclusions également commentée commenté dans le cadre de la présente newsletter.

 

La CJUE se rallie à sa position dans une décision clôturant ce dossier.

 

Pour mémoire, le photographe, à l’origine du contentieux et qui réalise principalement des photos de mariage et portraits pour particuliers, appliquait le taux réduit (5.5%) estimant qu’il relevait de l’article 278 septies 2° du CGI (dispositions aujourd’hui reprises par l’article 278-0 bis du même code) qui soumet à ce taux « Les livraisons d’œuvres d’art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit ».

 

Dans la décision commentée, la CJUE délimite tout d’abord son champ d’intervention : elle n’est pas saisie en vue de « déterminer la signification de la notion d’« objets d’art » en général, mais à l’interpréter dans le cadre de la directive TVA et, en particulier, des dispositions de cette directive concernant l’application d’un taux réduit de TVA ».

 

La CJUE s’attache tout au long de sa décision et de son raisonnement à se concentrer sur les textes en litige estimant qu’il n’est pas nécessaire, pour les interpréter, de rechercher des concepts extérieurs.

 

Ainsi, la CJUE rappelle que les dispositions en litige définissent les photographies considérées comme des œuvres d’art dont la livraison peut bénéficier d’un taux réduit de TVA de façon tout à fait objective. En droit français, c’est l’article 98 A de l’annexe III du CGI qui définit la notion d’œuvre d’art appliquée à la photographie : « Photographies prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus »[1].

 

Dans ces conditions, « de tels critères suffisent à assurer que l’application du taux réduit de TVA aux seules photographies répondant à ces critères constitue l’exception par rapport à l’application du taux normal à toute autre photographie ».

 

La prise en compte d’autres éléments n’est pas légitime. C’est donc à tort que l’administration fiscale française croit pouvoir déduire de l’emploi du terme « artiste » dans les dispositions en vigueur une condition liée à la qualité artistique de la photographie pour ouvrir droit au taux réduit de TVA.

 

A cet effet, la CJUE rappelle que la disposition communautaire dont est issu l’article 98 A de l’annexe III du CGI vise non pas un « artiste » mais un « auteur ». Elle est déduit que ces termes visent une même personne « à savoir la personne qui a la qualité d’auteur d’une photographie remplissant les conditions explicitement prévues à ce point 7 » (de la disposition communautaire transposée).

 

Elle en conclut « une interprétation de ces dispositions selon laquelle l’application du taux réduit de TVA se limiterait à des photographies présentant, en outre, un caractère artistique ferait dépendre l’application de ce taux réduit du jugement de l’administration fiscale nationale compétente quant à leur valeur artistique, valeur qui constitue une caractéristique non pas objective, mais subjective. En effet, comme la Cour l’a déjà rappelé, la valeur artistique d’un objet se définit essentiellement à partir de critères subjectifs et flottants (arrêts du 27 octobre 1977, Westfälischer Kunstverein, 23/77, EU:C:1977:171, point 3, et du 13 décembre 1989, Raab, C‑1/89, EU:C:1989:648 C‑1/89, point 25) ».

 

Dès lors que les critères objectifs prévues par les dispositions applicables sont remplies par le photographe, la livraison de ses photographies peuvent bénéficier du taux réduit de la TVA sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur leur caractère artistique ou non ou tout autre critère.

 

Une telle interprétation, basé sur des critères objectifs, assure une sécurité juridique et une égalité de traitement des contribuables.

 

[1] Cette disposition est la transposition de l’annexe IX, partie A, point 7 de la directive 2006/112

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