Source : DG COMP, 17 décembre 2018, Case AT.40428 – GUESS
I – La garantie de la protection du marché européen par Bruxelles
Margrethe VESTAGER, commissaire chargée de la politique de concurrence, reproche à Guess d’avoir « À travers ses accords de distribution, Guess (…) tenté d’empêcher des consommateurs de l’UE de faire leurs achats dans d’autres États membres, en empêchant des détaillants de faire de la publicité et de vendre à l’étranger ».
Conséquence : « La société est ainsi parvenue à maintenir les prix de détail à un niveau artificiellement élevé, en particulier dans les pays d’Europe centrale et orientale.
Et la sanction de la DG COMP ne s’est pas faite attendre et est prononcé presque au lendemain de l’entrée en vigueur du Règlement sur le geoblocking : « Nous avons aujourd’hui sanctionné Guess pour ce comportement. Cette affaire vient compléter les règles de blocage géographique qui sont entrées en vigueur le 3 décembre – dans les deux cas, il est question des restrictions des ventes qui sont en contradiction avec le marché unique ».
Après une enquête ouverte en juin 2017 sur les accords de distribution et les pratiques de Guess afin de déterminer si la société restreint empêche des détaillants de commercialiser leurs produits par-delà les frontières auprès de consommateurs établis dans le marché unique de l’UE, la Commission a conclu que les accords de distribution de Guess limitaient la capacité des détaillants à plusieurs titres :
«
1) d’utiliser les marques de commerce ou de fabrique Guess aux fins de la publicité liée aux recherches en ligne;
2) de commercialiser des produits en ligne sans une autorisation préalable spécifique octroyée par Guess. La société avait toute latitude pour cette autorisation, qui n’était pas fondée sur des critères de qualité précis;
3) de vendre des produits à des consommateurs situés en dehors des territoires alloués aux détaillants autorisés;
4) de réaliser des ventes croisées entre grossistes et détaillants autorisés; et
5) de décider en toute indépendance du prix de vente au détail auquel ils vendent des produits Guess ».
La mise en œuvre de ses pratiques a donc permis à Guess de cloisonner les marchés européens sur ces produits de sorte que les consommateurs européens ont été privés de la possibilité d’effectuer des achats transfrontières offrant un choix plus vaste et des conditions plus avantageuses.
II – Une protection des victimes des pratiques anticoncurrentielles
II – 1. Une indemnisation possible pour les consommateurs avec l’action en dommages et intérêts
Conformément à la Directive « Damages », la Commission européenne rappelle que toute personne ou entreprise lésée par des pratiques anticoncurrentielles telles que celles décrites dans cette affaire peut saisir les juridictions des États membres pour réclamer des dommages et intérêts.
En droit interne, c’est l’ordonnance du 09 mars 2017 codifiée par les articles L. 481-1 et suivants du Code de commerce qui permet aux victimes de pratiques anticoncurrentielles d’intenter une action en dommages et intérêts contre les auteurs de pratiques anticoncurrentielles via les actions en « follow-on »[1] ou « stand alone »[2].
Le soutien de ces actions repose sur la démonstration, comme en droit commun, mais sous des conditions plus « allégées », d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux (articles L. 481-2 et suivants du Code de commerce).
II – 2. La mise en place d’un outil de lancement d’alertes
Dans le même esprit que celui du « lanceur d’alerte » en entreprise en matière de lettre contre la corruption (compliance), la Commission européenne a mis en place un outil permettant aux consommateurs de l’alerter plus facilement en cas de pratiques anticoncurrentielles.
Naturellement, le « lanceur d’alerte » est assurer du respect de son anonymat grâce à un système spécial de messagerie cryptée qui permet de communiquer dans les deux sens.
Cet outil à disposition en langue anglaise est accessible en cliquant sur ce lien.
[1] On parle d’actions en « follow-on » lorsque les victimes, agissant à l’issue d’une procédure de sanction de l’Autorité de la concurrence (ADLC), de la Cour d’appel de Paris (seule compétente en cause d’appel), de la Cour de cassation ou encore de la DG COMP (Commission européenne) ayant constaté l’existence et l’imputabilité d’une pratique anticoncurrentielle, bénéficient de la présomption irréfragable de l’existence de la pratique anticoncurrentielle pour intenter leur action.
[2] On parle d’actions en « stand alone » lorsque les victimes de manière autonome dans leur action, c’est-à-dire indépendamment d’une action d’une juridiction ou d’une AAI (généralement plus difficile à mettre en œuvre).