SOURCE : Loi de Finance n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, articles 37 et 38
I –
Un côté de l’article 64 du LPF qui devrait désormais caractériser le « maxi abus de droit » a été créé un article L 64A du même Code dont la rédaction est assez proche de l’article 64, sauf à se distinguer des changements suivants :
« Ils (actes constitutifs d’un abus de droit) n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que (…) est remplacé par « ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer des charges fiscales » (…) ».
Le mini abus de droit s’appliquera aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2001 portant sur des actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020, et implique désormais des opérations à motivation fiscale principale et non pas la recherche d’un but exclusivement fiscal.
Sous des aspects rédactionnels anodins, le changement de formule a des conséquences qu’aucun technicien ne sait véritablement encore aujourd’hui mesurer.
En effet, lorsque le but était exclusivement fiscal, les techniciens ou conseils avaient à cœur de justifier l’opération par des considérations autres que fiscales pour lui ôter son caractère… exclusif. Ainsi, une restructuration patrimoniale, fiscalement optimisante pouvait-elle échapper à l’abus de droit, dès lors que dans l’un des objectifs recherchés par le contribuable, il y avait par exemple une opération ou volonté de transmission de son patrimoine à ses descendants.
On peut ici citer pour exemple, la donation par les parents de titres de participation d’une société à leur descendance sous le régime de l’article 779 du CGI, c’est-à-dire en franchise de droit, de succession, de 100 000 € par parent et par enfant (200 000 € par enfant et par couple renouvelables tous les 15 ans) qui sera immédiatement suivi d’une cession par les enfants des titres acquis pas donation, en même temps d’ailleurs que les parents se séparent des titres de participation dont ils ont gardé la propriété.
L’on comprend bien pour les parents, l’intérêt de la donation, qui est de faire échapper à la taxation des plus-values sur la valeur mobilière, une partie de leur participation, mais le but étant également celui de transmettre une partie de leur patrimoine aux enfants, l’abus de droit est écarté, pour autant… que le produit de la cession des titres préalables précédemment donnés reviennent bien dans le patrimoine des enfants, et non pas celui des parents[1].
Qu’en sera-t-il demain, c’est-à-dire à compter du 1er janvier 2020 ?
II –
Selon l’exposé des motifs, cette évolution de l’abus de droit et de sanction associés devrait permettre d’aboutir à un abus de droit « à deux étages » plus souple et ne serait en aucun cas redondant avec les clauses anti-abus général introduites par l’article 109 de la loi de finance pour 2019.
Toujours selon le législateur, cette clause ne concernerait que l’impôt sur les sociétés, là où l’abus de droit concerne toutes les impositions et a un champ beaucoup plus large.
L’Administration pourra recourir alternativement à ces deux procédures en pointant l’existence d’un montage ayant un but soit exclusivement fiscal, au sens de l’article L 64 du LPF, soit principalement fiscal, au sens du nouvel article L 64 A.
A la différence du « maxi abus de droit » qui entraîne l’application d’une majoration spécifique de 40 ou 80 %[2], le mini abus de droit n’est assorti d’aucune pénalité automatique, à charge pour l’Administration et à sa convenance, de fixer les pénalités des articles 1728 (10 ou 40 %) ou 1729 du CGI (40 ou 80 %), en cas de manquement délibéré ou manœuvre frauduleuse.
Tout comme dans la procédure de droit commun, les litiges résultant de la nouvelle procédure de « mini abus de droit » pourront être soumis à la demande du contribuable ou de l’Administration, à l’avis du Comité de l’abus de droit fiscal.
Dans cette hypothèse, l’Administration qui décide, outre l’avis du Comité, doit lors du contentieux, apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.
A l’inverse, si l’imposition est établie conformément à l’avis du Comité, la charge de la preuve incombera désormais au contribuable.
III –
Pour échapper aux aléas, et surtout à la subjectivité du changement d’adverbe entre la définition du mini et du maxi abus de droit, le législateur a instauré deux clauses de sécurité :
la première est de retarder l’application du texte au 1er janvier 2020, ce qui permettra à l’Administration de préciser sa doctrine en la matière, et le cas échéant au Gouvernement, comme il a commencé déjà à le faire, à fournir des explications ;
La seconde tient à la duplication pour les mini abus, d’un dispositif de rescrit instauré à l’article 64 B, qui permettra au contribuable, soit de connaître la position de l’Administration sur le montage envisagé, soit d’être protégé de la procédure d’abus de droit, dans tous les cas où l’Administration n’aurait pas répondu dans les 6 mois à sa demande de rescrit.
Gageons que les praticiens auront à cœur de proposer la mise en place d’un rescrit, dans un contexte où la loi fraude du 23 octobre 2018, peut pour partie les rendre responsables des conséquences fiscales des actes qu’ils commettent au bénéfice de leurs clients.
[1] Dans le cas contraire, l’abus de droit est caractérisé : voir en ce sens CE 05/02/2018, n° 409718
[2] Article 1729 B du CGI