40 pourcent ou 80 pourcent : comment le taux de la pénalité appliquée en matière d’abus de droit doit il être décidé ?

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

 

Source : CE 19/0/2018 n°399862, mentionné sur les tables du recueil Lebon

 

L’article 1729 du CGI énumère les pénalités applicables lorsque des inexactitudes ou des omissions sont révélées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat.

 

S’agissant de l’abus de droit, deux taux peuvent s’appliquer : 80 % ou 40 % lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire.

 

L’article L195 du LPF prévoit qu’en cas de contestation des pénalités fiscale, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l’administration.

 

Dans l’arrêt commenté, le contribuable contestait notamment les pénalités au taux de 80% qui lui avaient été appliquées.

 

Le Conseil d’Etat se penche sur la charge de la preuve pour trancher le litige.

 

Il juge que « la charge de la preuve, en ce qui concerne les pénalités infligées en cas d’abus de droit, est régie, non par les dispositions du dernier alinéa de l’article L64 du LPF, mais par celles de l’article L195A du même livre, en vertu desquelles la preuve incombe à l’administration, et par celles de l’article 1729 du CGI, lesquelles prévoient également qu’il appartient à l’administration d’établir le bien fondé des pénalités en cas d’abus de droit ».

 

Quelque soit la disposition en cause, il incombe toujours à l’administration fiscale de prouver que l’application des pénalités est justifiée.

 

Une fois ce principe rappelé, il est nécessaire de déterminer comment distinguer l’application des deux taux (40% ou 80%).

 

La rédaction de l’article 1729 du CGI laisse à penser que c’est le taux de 80% qui s’applique en priorité puisqu’il est mentionné en premier.

 

Le Conseil d’Etat fait une interprétation plus subtile de cette disposition en ce qu’il distingue la preuve que doit rapporter l’administration de l’existence de l’abus de droit et celle de l’application des pénalités de 80%. Il confère au juge un pouvoir de contrôle important en la matière.

 

Il juge que « lorsque les éléments invoqués par l’administration permettent de regarder comme établie l’existence d’un abus de droit au sens de l’article L64 du LPF mais ne permettent pas de justifier l’application de la majoration pour abus de droit au taux de 80%, il appartient au juge, alors même qu’il n’aurait pas été saisi d’une demande en ce sens, d’appliquer la majoration pour abus de droit au taux de 40% et de substituer ce taux à l’autre en ne prononçant, en conséquence, que la décharge partielle de la pénalité contestée ».

 

En d’autres termes, le fait pour l’administration d’apporter la preuve de l’existence d’un abus de droit n’emporte pas automatiquement l’application des pénalités au taux de 80%.

 

Si la preuve de l’abus de droit permet à l’administration d’appliquer les pénalités au taux de 40%, elle doit justifier de façon distincte la nécessité d’appliquer le taux de 80%.

 

A défaut, le juge doit, d’office, substituer le taux de 80% à celui de 40%.

 

Le Conseil d’Etat, en réglant l’affaire au fond, donne plus d’indications sur la preuve à apporter par l’administration pour justifier l’application du taux de 80% : le service doit énoncer des éléments « de nature à justifier légalement l’application de ce taux, tenant à ce qui le contribuable aurait eu l’initiative principale des actes constitutif de l’abus de droit ou en aurait été le principal bénéficiaire ».

 

L’appréciation de cette preuve incombera à la jurisprudence qui devrait alors en préciser les contours pour l’instant plus vagues.

 

Caroline DEVE

Vivaldi-Avocats

 

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