La Cour de Cassation procède à un revirement de jurisprudence en modifiant les conséquences d’un défaut de notification d’un acte de procédure à l’ensemble des redevables solidaires
Source :CCass, com, 30/08/2023 n°20-23653 publié au bulletin
Lorsque l’administration fiscale procède à des rectifications, elle est astreinte au respect de règles de procédure destinées à protéger les contribuables objets de la rectification.
Des règles spécifiques s’appliquent lorsque les contribuables visés sont solidairement tenus de la dette fiscale. Il s’agit par exemple des époux qui sont solidairement tenus de l’impôt sur le revenu du foyer fiscal qu’ils constituent ou d’héritiers solidairement tenus des droits d’enregistrement dus au titre de la succession qu’ils recueillent.
En présence de plusieurs redevables solidaires, l’administration peut choisir d’adresser, à un seul d’entre eux, la proposition de rectification qui est le premier acte d’une procédure de rectification. Néanmoins, ainsi que le rappelle la Cour de Cassation, « la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et la loyauté des débats l’oblige à notifier les actes de celle-ci à tous les redevables (Com. 18 novembre 2008, pourvoi n° 07-19.762, Bull. 2008, IV, n° 195 ; Com., 12 juin 2012, pourvoi n° 11-30.396, Bull. 2012, IV, n° 119), à moins que ces derniers ne se soient donné mandat exprès de représentation (Com., 7 avril 2010, pourvoi n° 09-14.516) et pour autant qu’elle ait pu en découvrir l’identité ou que celle-ci lui ait été révélée (Com., 6 novembre 2019, pourvoi n° 17-26.985) ».
Cette règle s’applique dans le cadre de la procédure de rectification mais également lors de la phase contentieuse préalable (réclamation) et de la procédure de recouvrement.
La notification des actes à tous les redevables doit intervenir dès leur établissement et non pas de façon tardive notamment en cours de procédure.
Le défaut de respect de cette règle peut être invoqué à l’encontre de l’administration aussi bien par les redevables qui n’ont pas été destinataires de la notification que celui qui en a été l’objet, la Cour de Cassation rappelant qu’il n’est pas nécessaire pour les redevables d’établir un grief.
Dans l’arrêt commenté, la Cour de Cassation se prononce sur la portée du défaut de notification d’un acte à tous les redevables solidaires.
Jusqu’à présent, la jurisprudence distinguait, pour apprécier les conséquences du défaut de notification à l’ensemble des redevables solidaires, le moment de la procédure (rectification ou contentieux préalable ou recouvrement) au cours de laquelle la règle n’était pas respectée. Plus la procédure était avancée, moins les conséquences du défaut de notification d’un acte n’étaient importantes.
Ainsi le défaut de respect de la règle au stade de la rectification entraînait la décharge de la totalité des rappels d’impôts pour l’ensemble des redevables tandis qu’au stade du recouvrement, l’acte qui n’avait pas fait l’objet d’une notification était inopposable au seul redevable non-destinataire de la notification.
Après avoir fait un rappel des règles applicables, la Cour de Cassation juge qu’il « apparaît nécessaire de préciser la portée de l’irrégularité résultant du défaut de notification d’un acte de la procédure administrative à tous les redevables solidaires en jugeant désormais qu’une telle irrégularité n’atteint la procédure, à quelque stade que celle-ci se trouve, qu’après l’acte qui n’a pas fait l’objet d’une notification régulière. L’administration fiscale dispose ainsi, tant que la prescription n’est pas acquise, de la faculté de régulariser cette procédure en procédant à une nouvelle notification de l’acte en cause à l’ensemble des redevables solidaires ».
Ainsi, le non-respect de la règle de notification à l’ensemble des redevables solidaires n’a de conséquence que sur la suite de la procédure en cours et non sur les actes antérieurs.
Cette nouvelle appréciation ne modifie pas les conséquences de l’irrespect de la règle au cours de la phase de rectification : les suppléments d’impôt seront toujours déchargés dès lors qu’au stade de la rectification, l’avis de mise en recouvrement n’a pas encore été émis. Il fait donc partie des actes postérieurs au défaut de notification qui seront atteints par l’irrégularité.
En revanche, si le défaut de notification intervient après l’émission de l’avis de mise en recouvrement, la décharge ne pourra être prononcée. Seule la prescription pourrait, le cas échéant, permettre aux redevables d’échapper à l’impôt si l’administration n’est pas en mesure de régulariser son erreur.
Si cette nouvelle appréciation apparaît plus favorable à l’administration qu’aux contribuables, elle a au moins le mérite de simplifier l’appréciation de la portée du défaut de notification d’un acte à l’ensemble des contribuables.