Vol de carte bancaire et responsabilité de la banque

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

SOURCE : Cass, Com.1er mars 2016. Pourvoi n° 14-22.946 Arrêt n° 186 F – D

 

En 2012, Vivaldi-chronos avait déjà commenté un arrêt rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation[1] le 16 octobre 2012.

 

C’est ainsi que la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation apportait les précisions quant à la notion de faute lourde du titulaire de la carte engageant sa responsabilité et sur le devoir de vigilance dont est tenu le banquier, lorsqu’il constate une anomalie apparente du compte ou qu’il suspecte une fraude ou malversation au préjudice de son client.

 

En 2016, dans l’arrêt présentement commenté, la Haute Cour vient conforter la position qu’elle avait préalablement retenue, mais met aussi en exergue que l’utilisation de la carte par un tiers avec composition du code confidentiel ne constitue pas une faute lourde.

 

En l’espèce, la banque a remis à Mme X une carte bancaire assortie d’une ouverture de crédit avec un découvert maximum autorisé de 200 €. Mme X, après avoir déposé plainte et déclaré le vol de sa carte, la banque lui a demandé le paiement de l’ensemble des sommes débitées sur son compte à la suite de l’utilisation de la carte et de son code confidentiel.

 

La Cour d’Appel a condamné Mme X à payer à la banque le montant des débits frauduleux réalisés entre le vol et le dépôt de plainte, motif pris que :

 

          D’une part, le contrat conclu entre les parties prévoit que toute imprudence du titulaire dans la conservation du numéro de code engage sa responsabilité, et la négligence dans le suivi de son compte par la banque pour s’exonérer du paiement de ces sommes, ne peut être retenue ;

 

          D’autre part, en application du contrat, l’imprudence commise par Mme X dans la conservation du code confidentiel engage sa responsabilité et qu’elle ne peut en conséquence se prévaloir des dispositions de l’article L.132-3[2] du Code Monétaire et Financier qui limitent à 150 €, le montant de la perte supportée par le titulaire en cas de perte ou de vol de la carte avant sa mise en opposition.

 

Sur le pourvoi formé par Mme X, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation casse l’Arrêt rendu par la Cour d’Appel et réaffirme les principes déjà posés en 2012 quant à la notion de faute lourde du titulaire de la carte engageant sa responsabilité (1) et sur le devoir de vigilance dont est tenu le banquier, alors même que le titulaire de la carte a commis une imprudence dans la conservation de son code confidentiel (2)

 

1)L’utilisation de la carte par un tiers avec composition du code confidentiel ne constitue pas une faute lourde.

 

La Haute Cour se référant à l’article L.132-3 du Code Monétaire, précité, rappelle, que le plafond prévu par la loi ne peut être dépassé que si le titulaire de la carte, soit n’a pas effectué la mise en opposition, dans les meilleurs délais, soit a agi avec une négligence constituant une faute lourde.

 

Dans le cas d’espèce, le fait que la carte ait été utilisée par un tiers avec composition du code confidentiel n’est à lui seul, insusceptible de constituer la preuve d’une telle faute lourde.

 

En 2012, la Cour de Cassation avait déjà défini la faute lourde.

 

Notamment la personne qui s’est engagée contractuellement, lors de la remise de sa carte de retrait, à ce que son code personnel indispensable à l’utilisation de sa carte soit « tenu absolument secret par le titulaire, dans son intérêt même et n’être communiquée à qui que ce soit », la convention liant l’utilisateur et la Banque précisant que « le titulaire est responsable de la conservation et de l’utilisation de la carte de retrait jusqu’à ce qu’il ait demandé son annulation à la banque ».

 

Dans ce cas d’espèce ce n’est qu’à réception de sa demande d’annulation par la Banque que la responsabilité du client est dégagée pour les opérations postérieures.

 

Or, l’utilisateur a indiqué aux forces de police auxquelles il venait déclarer ce vol : « cette carte, comme je n’ai pas l’habitude de l’utiliser, je la laisse toujours dans mon véhicule. Et le code, je l’ai laissé aussi dans la boite à gans »

 

Qu’il résulte de son propre aveu de qu’il n’a pas respecté ses obligations contractuelles et commis une imprudence grave en laissant son code confidentiel à proximité de sa carte de retrait et dans un lieu de surveillance.

 

La cour de Cassation, avait ainsi pu admettre que le porteur de carte bancaire commet une faute d’imprudence grave, en abandonnant sans surveillance son sac contenant notamment sa carte bancaire[3].

 

Ou encore, il a été jugé qu’avait commis une faute engageant sa responsabilité, permettant à la banque de laisser à la charge du porteur l’entier préjudice, le porteur qui avait laissé sa carte bancaire dans la boite à gants de son véhicule, même fermé à clé, dans la mesure où les clés de ce véhicule certes garé dans l’enceinte de l’entreprise étaient accrochées à un tableau en un lieu aisément accessible et non contrôlée.[4]

 

2)L’imprudence du titulaire de la carte dans la conservation de son code confidentiel n’exonère pas la banque de son de voir de vigilance

 

Là encore, la Cour de Cassation réitère le principe qu’elle avait retenu en 2012 en considérant que la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision dés lors, que le compte du titulaire, étant un compte d’entrepreneurs aux nombreux mouvements, était largement créditeur et son fonctionnement ne faisait pas ressortir d’anomalies apparentes.

 

Dans l’arrêt présentement commenté la Haute Juridiction rappelle au visa de l’article L.132-3 du Code Monétaire et Financier, dans sa rédaction applicable en la cause, que le plafond prévu par la loi ne peut être dépassé que si le titulaire de la carte, soit n’a pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs délais, soit a agi avec une négligence constituant une faute lourde, la circonstance que la carte ait été utilisée par un tiers avec composition du code confidentiel étant, à elle seule, insusceptible de constituer la preuve d’une telle faute.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass, Com.16 octobre 2012. Pourvoi n° W 11-19.981. Arrêt n°1013 F-P+B

[2] L.132-3 CMF : « Le titulaire d’une carte mentionnée à l’article L. 132-1 supporte la perte subie, en cas de perte ou de vol, avant la mise en opposition prévue à l’article L. 132-2, dans la limite d’un plafond qui ne peut dépasser 400 euros. Toutefois, s’il a agi avec une négligence constituant une faute lourde ou si, après la perte ou le vol de ladite carte, il n’a pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs délais, compte tenu de ses habitudes d’utilisation de la carte, le plafond prévu à la phrase précédente n’est pas applicable. Le contrat entre le titulaire de la carte et l’émetteur peut cependant prévoir le délai de mise en opposition au-delà duquel le titulaire de la carte est privé du bénéfice du plafond prévu au présent alinéa. Ce délai ne peut être inférieur à deux jours francs après la perte ou le vol de la carte.

Le plafond visé à l’alinéa précédent est porté à 275 euros au 1er janvier 2002 et à 150 euros à compter du 1er janvier 2003. »

[3] Cass.Com., 18 mai 2005

[4] CA Rennes, 1ère xh., 10 nov.2006

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