Source : Cass.3ème Civ., 26 novembre 2020, n°18-17.617
C’est ce que précise la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans cette décision, publiée au bulletin, comme suit :
« …
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 4 mai 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 15 septembre 2016, pourvoi n° 15-21.772 et 15-22.041), la société civile immobilière Victoria (la SCI) a vendu en l’état futur d’achèvement à M. et Mme I… B… des lots de copropriété comprenant, notamment, un appartement et la jouissance privative de deux jardins.
2. La SCI, défaillante, a conclu avec la Banque de crédit mutuel d’Ile-de-France (la BCMI), devenue la société Lyf, qui avait consenti une garantie extrinsèque, un protocole sur les travaux à financer pour l’achèvement de l’immeuble.
3. Les travaux d’aménagement du talus situé en fond de parcelle, financés par le garant, s’étant révélés insuffisants, le talus s’est effondré à trois reprises, rendant impossible l’accès aux jardins.
4. M. et Mme I… B… ont, après expertise, assigné le syndicat des copropriétaires et la société Lyf, qui a réclamé, reconventionnellement, le paiement du solde du prix.
Examen des moyens
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Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. M. et Mme I… B… font grief à l’arrêt de les condamner à verser à la société Lyf la somme de 125 768,60 euros, avec intérêts au taux conventionnel à compter du 1er août 2017 en ordonnant leur capitalisation, de rejeter leur demande tendant à la désignation d’un expert judiciaire afin de constater l’achèvement du lot n° 2 et de limiter à la somme de 14 000 euros et à la période d’octobre 2015 à novembre 2016 la condamnation prononcée à l’encontre du syndicat des copropriétaires et de la société Lyf à réparer leur préjudice de jouissance, alors :
1°/ que l’arrêt du 20 mai 2015 qui a constaté l’inachèvement de l’immeuble a condamné le syndicat des copropriétaires à faire exécuter les travaux nécessaires à la stabilisation du talus et à la pose des garde-corps et mains courantes pour l’escalier d’accès à la terrasse et la protection de la terrasse supérieure décrits au point 4.1.1. du rapport d’expertise du 21 décembre 2006 de M. V… et a condamné la BCMI à en supporter le coût en relevant le syndicat des copropriétaires indemne des condamnations prononcées à son encontre au titre de ces travaux en lui versant le montant des factures sur leur présentation ; qu’en retenant, pour condamner les époux I… B… à payer à la société Lyf venant aux droits de la BCMI, garant d’achèvement, le solde du prix déduction faite de la retenue de garantie, que l’achèvement de l’immeuble résulte de l’exécution des travaux décidés par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires le 22 mars 2016 pour un montant de 125 808,87 TTC euros constatée par le procès-verbal de réception établi le 19 septembre 2016, sans rechercher, ainsi qu’elle y était expressément invitée par les conclusions d’appel des époux I… B… , si les travaux que le syndicat des copropriétaires avait fait exécuter n’étaient pas différents de ceux décrits par l’expert V… dans les passages de son rapport auxquels s’est référé le dispositif de l’arrêt du 20 mai 2015, différence tenant notamment au fait que l’expert les avait évalués à la somme de 204 416 euros HT en 2006, tandis que ceux réalisés, en 2016, l’avaient été pour un montant de 125 808,87 euros TTC, de telle sorte que les travaux exécutés ne pouvaient satisfaire à la condition mise par l’arrêt du 20 mai 2015 à l’achèvement de l’immeuble, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble l’article 480 du code de procédure civile ;
2°/ que l’arrêt du 20 mai 2015 qui a constaté l’inachèvement de l’immeuble a condamné le syndicat des copropriétaires à faire exécuter les travaux nécessaires à la stabilisation du talus et à la pose des garde-corps et mains courantes pour l’escalier d’accès à la terrasse et la protection de la terrasse supérieure décrits au point 4.1.1. du rapport d’expertise du 21 décembre 2006 de M. V… et a condamné la BCMI à en supporter le coût en relevant le syndicat des copropriétaires indemne des condamnations prononcées à son encontre au titre de ces travaux en lui versant le montant des factures sur leur présentation ; qu’en retenant, pour condamner les époux I… B… à payer à la société Lyf venant aux droits de la BCMI, garant d’achèvement, le solde du prix déduction faite de la retenue de garantie, que l’achèvement de l’immeuble résulte de l’exécution des travaux décidés par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires le 22 mars 2016 qui n’a pas fait l’objet de contestation, quand l’assemblée générale de la copropriété ne détenait pas le pouvoir de modifier les travaux ordonnés par le dispositif de l’arrêt du 20 mai 2015 décrivant précisément, par renvoi au rapport d’expertise, les travaux devant être exécutés, la cour d’appel a méconnu la chose jugée par le chef de dispositif irrévocable de cette décision et violé l’article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble l’article 480 du code de procédure civile ;
3°/ qu’en toute hypothèse, l’acte de vente en l’état futur d’achèvement conclu le 28 octobre 2003 entre la société Victoria et les époux I… B… stipule, au paragraphe « constatation de l’achèvement des ouvrages et prise de possession », que « l’exécution de l’obligation d’achever ci-dessus contractée sera constatée dans les conditions ci-après précisées : le vendeur notifiera à l’acquéreur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le certificat de l’architecte ou du maître d’oeuvre attestant l’achèvement tel qu’il est défini à l’article R. 261-1 du code de la construction et de l’habitation. Par la même lettre, le vendeur invitera l’acquéreur à constater la réalité de cet achèvement aux jour et heure fixés. Audit jour, il sera procédé contradictoirement à cette constatation et à l’établissement du procès-verbal » ; qu’en retenant, pour dire l’immeuble achevé après les travaux réalisés par le syndicat des copropriétaires, que ceux-ci avaient fait l’objet d’un procès-verbal de réception du 19 septembre 2016 notifié le 21 novembre 2016 aux époux I… B… , sans rechercher comme elle y était invitée par les conclusions d’appel, si le constat l’achèvement de l’immeuble, dont les époux I… B… contestaient qu’il puisse résulter des travaux décidés par le syndicat des copropriétaires, respectait les exigences contractuelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
4°/ qu’en toute hypothèse, l’article R. 261-24 du code de la construction et de l’habitation dispose, dans sa version issue du décret n° 2016-357 du 25 mars 2016, dont l’article 8 prévoit qu’il entre en vigueur le 1er juillet 2016, que « l’achèvement de l’immeuble résulte de la constatation qui en est faite soit par une personne désignée dans les conditions prévues à l’article R. 261-2, soit par un organisme de contrôle indépendant ou un homme de l’art » et que « la personne qui constate l’achèvement remet au vendeur une attestation d’achèvement, en trois exemplaires originaux, établie conformément à un modèle défini par arrêté du ministre chargé du logement. Le vendeur remet l’un des trois exemplaires de cette attestation à l’organisme garant mentionné à l’article R. 261-17 et un autre au notaire chargé de la vente » ; que l’article R. 261-2 du code de la construction et de l’habitation dispose que « la constatation est faite par une personne qualifiée lorsque l’acte de vente l’a prévu ou lorsqu’il n’y a pas accord des parties » et que « cette personne est désignée par ordonnance sur requête, non susceptible de recours, du président du tribunal de grande instance du lieu de l’immeuble » ; que les époux I… B… se prévalaient de ce que le procès-verbal de réception du 19 septembre 2016 ne valait pas constatation de l’achèvement, dès lors que le syndic, la société Sogi, n’était ni un homme de l’art ni un organisme de contrôle indépendant, que le procès-verbal ne correspondait pas au modèle défini par l’arrêté et qu’il n’avait pas été communiqué au notaire ; qu’en se fondant sur la rédaction de l’article R. 261-24 du code de la construction et de l’habitation dans sa version issue du décret n° 2011-550 du 19 mai 2011 pour retenir que l’achèvement de l’immeuble était établi par le procès-verbal de réception du septembre 2016 notifié le 21 novembre 2016 aux époux I… B… , la cour d’appel a violé les articles R. 261-24, dans sa version issue du décret n° 2016-357 du 25 mars 2016, et R. 261-2 du code de la construction et de l’habitation ;
5°/ qu’en toute hypothèse, le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; que le procès-verbal de réception des travaux établi le 19 septembre 2016 et notifié aux époux I… B… le 21 novembre 2016 n’est signé que par la société EIBTF en qualité de locateur d’ouvrage chargé des travaux de confortement du talus et la société Sogi en sa qualité de syndic représentant le syndicat des copropriétaires, maître de l’ouvrage, et le compte rendu de la réunion de chantier qui y est annexé ne comporte aucune signature ; qu’en retenant, pour dire l’immeuble achevé après les travaux réalisés par le syndicat des copropriétaires, que ceux-ci avaient « fait l’objet d’un procès-verbal de réception du 19 septembre 2016 (pièce n°5 du syndicat des copropriétaires) signé par le syndic et l’entreprise EIBTF et autres et portant notamment sur les travaux de confortement de talus, avec quelques réserves de finition, en présence du maître d’oeuvre (Alter Ego) et du maître d’oeuvre d’exécution (Accotec), le compte rendu de la réunion de réception étant signé par un homme de l’art le maître d’oeuvre Atelier d’architecture Alter Ego (même pièce) », la cour d’appel a dénaturé le procès verbal de réception et son annexe en méconnaissance du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
9. En premier lieu, la cour d’appel a relevé qu’une assemblée générale des copropriétaires du 30 juin 2015 avait voté le principe des travaux demandés par l’arrêt du 20 mai 2015, puis qu’une assemblée générale du 22 mars 2016 avait voté les travaux ordonnés par cet arrêt, dont la consolidation du talus après étude du sol, et que ceux-ci avaient fait l’objet d’un procès-verbal de réception du 19 septembre 2016.
10. En l’état de ses constatations, la cour d’appel, qui n’a pas retenu que l’assemblée générale avait modifié les travaux ordonnés par le dispositif de l’arrêt du 20 mai 2015, n’était pas tenue de procéder à une recherche sur la différence entre l’évaluation du coût des travaux par l’expert et le coût des travaux exécutés.
11. En deuxième lieu, elle n’était pas plus tenue de vérifier si le constat d’achèvement de l’immeuble respectait les exigences contractuelles, cette recherche n’étant pas demandée.
12. En troisième lieu, en cas de désaccord des parties, il appartient au juge du fond, saisi par le garant d’une demande en paiement du prix de vente représentant la fraction de 95 % du prix à l’achèvement de l’immeuble, d’apprécier si celui-ci est achevé au sens de l’article R. 261-1 du code de la construction et de l’habitation.
13. La cour d’appel, qui a souverainement retenu que l’immeuble était achevé, a ainsi légalement justifié sa décision…. »