Un franchisé n’est pas fautif lorsqu’il prépare un projet concurrent pendant l’exécution de son contrat

Thomas Chinaglia

Un franchisé peut librement débuter un projet concurrent pendant l’exécution de son contrat. Les actes préparatoires réalisés ne sont pas considérés comme fautifs. Seule peut être alors sanctionnée la concurrence effective qui doit être considérée comme la mise en œuvre concrète du projet concurrent. L’arrêt répond donc à l’intéressante question de savoir si un franchisé peut, pendant l’exécution de son contrat de franchise, préparer une activité concurrente à celle exercée par le franchiseur.

Com. 19 mars 2025, n° 23-22.925

I –

En l’espèce, un franchisé exerce une activité d’assistance à domicile pour les personnes âgées ou handicapées au sein d’un réseau appartenant à un groupe. Ce franchisé décide d’initier divers actes préparatoires à une activité concurrente à celle de son franchiseur. Ces actes préparatoires sont notamment la création de sociétés, le dépôt de marques, l’information des clients ou encore la publication sur les réseaux sociaux…).

Le franchiseur décide de résilier le contrat au motif que ces actes préparatoires ont violé diverses obligations pesant sur le franchisé telle que l’obligation de non-concurrence, l’obligation de loyauté, l’obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat de franchise ou encore le principe de confidentialité.

La cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, considère que ces actes préparatoires ne sont finalement pas fautifs. En effet, la Haute Juridiction affirme que le franchisé peut, sans violer la clause de non-concurrence stipulée au contrat de franchise, ni les obligations de loyauté et de bonne foi contractuelles, accomplir des actes préparatoires à une activité concurrente de celle du franchiseur, à la condition que cette activité ne débute effectivement qu’après l’expiration du contrat de franchise et de son engagement de non-concurrence.

Le principe est similaire à celui posé en droit social. En effet, seul l’exercice effectif d’une activité concurrente de celle de leur employeur par des salariés encore dans les liens du contrat de travail constitue une faute de concurrence déloyale[1].

II –

Bien que le contrat de franchise soit source d’obligations contractuelles pour le franchisé, il n’est pas pour autant de nature à annihiler toute liberté d’entreprendre du franchisé. C’est sur cet aspect que l’arrêt commenté est intéressant.

La Cour de cassation considère que les actes préparatoires ne sont pas fautifs car il n’y en réalité pas de concurrence à proprement parler. Le franchisé ne fait que préparer un projet, le franchiseur ne subit donc aucun préjudice direct.

En d’autres termes, aucun produit, aucun service n’est commercialisé. Aucun acte commis par le franchisé n’est susceptible, à ce niveau, de créer une quelconque situation concurrentielle.

Il est naturel de se poser la question selon laquelle un franchiseur pourrait-il stipuler une clause résolutoire qui interdirait tout acte préparatoire à la création d’une future activité concurrente de la part du franchisé ? Il n’en n’est pas certain. Cela reviendrait à porter atteinte à la liberté d’entreprendre du franchisé. Qui plus est, une telle clause pourrait constituer une pratique restrictive de concurrence tel qu’un avantage manifestement disproportionné ou un déséquilibre significatif.

La liberté d’entreprendre est un principe général à valeur constitutionnelle. Elle implique le droit de créer et d’exercer librement une activité économique dans le domaine de son choix. Concrètement, c’est au nom de cette liberté qu’il est possible de fonder une société. 

Par la décision QPC du 30 novembre 2012[2], le Conseil constitutionnel consacre la double portée de la liberté d’entreprendre, qui comprend : « non seulement la liberté d’accéder à une profession ou à une activité économique mais également la liberté dans l’exercice de cette profession ou de cette activité« .

Pour autant, le franchiseur n’est pas démuni pour lutter contre une situation de concurrence effective. Le contrat de franchise peut contenir une multitude de clauses visant à assurer la loyauté du franchisé envers le franchiseur et qui proscrivent toute concurrence, directe ou indirecte, telle la clause de non-concurrence, la clause d’exclusivité, la bonne foi et la loyauté.

Ces clauses amènent le franchisé à s’investir pleinement dans le projet et le franchiseur ne doit pas subir la concurrence d’une personne qu’il a formée et à qui il a révélé son savoir-faire.


[1] Soc. 23 sept. 2020, n° 19-15.313

[2] Décision n° 2021-285, QPC du 30 novembre 2012

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