SOURCE : Conseil d’Etat, 3e et 8e chambres réunies, 2 mai 2018, n°404461
Pour les prestations de services, le fait générateur de la taxe ne coïncide pas, en principe, avec son exigibilité.
Le fait générateur intervient lorsque la prestation est effectuée. En ce qui concerne l’exigibilité, le principe est que la TVA afférente aux prestations de services est exigible lors de l’encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération[1].
L’administration fiscale précise dans sa doctrine ce qu’il faut entendre par la notion d’encaissement :
« La définition de l’encaissement du prix ou de la rémunération ne soulève aucune difficulté lorsqu’il s’agit de paiement en espèces. Par encaissements imposables, il faut entendre notamment toutes les sommes perçues du chef de la réalisation de l’opération ou de l’exécution des travaux, à quelque titre que ce soit (avances, acomptes, règlements pour solde) et quelle que soit la destination de ces sommes (achats de matières ou matériaux, paiement de sous-traitant, versements d’agios, etc.). »[2]
L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat ce 2 mai 2018 se penche sur la question de savoir si un abandon de créance répond à cette définition de l’encaissement et constitue donc un encaissement au sens de l’article 269 du CGI rendant la TVA exigible.
Rappel des faits :
Monsieur A est propriétaire d’un fonds de commerce de fabrication, de construction métallique, métallerie et serrurerie. Il l’a exploité à titre individuel jusqu’au 1er mai 1995 avant de le donner en location-gérance à la SARL A puis à la société AD FABRICATION en mai 2010, sans déclarer cette activité de loueur de fonds auprès d’un centre de formalités des entreprises.
Il a renoncé à percevoir les redevances dues par la société AD FABRICATION à compter de 2001, en mettant gratuitement son fonds de commerce à la disposition de la société jusqu’au mois d’avril 2010. Le local a, à compter de mai 2010, été mis à la disposition d’une autre société, à laquelle il n’a pas davantage réclamé de rémunération.
L’administration fiscale, à l’issue d’un contrôle sur pièces, a estimé que Monsieur A avait exercé une activité occulte de loueur de fonds de commerce et l’a imposé à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 juillet 2011.
Le Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de Monsieur A tendant à la décharge des droits et des pénalités mis à sa charge. La Cour Administrative d’Appel de Nancy a confirmé le jugement du Tribunal Administratif en considérant que l’abandon de créances constitue un acte de disposition qui s’analyse comme un encaissement suivi d’une libéralité envers le débiteur et qui rend, en conséquence, exigible le montant de la TVA.
La décision du Conseil d’Etat :
La Haute Juridiction rappelle que doit être regardée comme encaissée toute somme perçue en rémunération d’une opération soumise à la TVA.
Elle ajoute ensuite :
« La remise volontaire par le créancier d’une dette, qui constitue un mode d’extinction de l’obligation de payer mais n’entraîne la perception d’aucune somme par le créancier, n’équivaut pas pour ce dernier à un encaissement au sens de l’article 269 du Code Général des Impôts. En conséquence, la circonstance qu’une personne ait renoncé volontairement à percevoir des redevances, alors qu’elle mettait à disposition d’un tiers un fonds de commerce, ne permet pas à l’administration d’exiger d’elle la taxe sur la valeur ajoutée sur les sommes correspondant à la renonciation à ces créances, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée ne peut porter que sur une rémunération effectivement encaissée. »
Le Conseil d’Etat casse donc l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de Nancy estimant que celle-ci a commis une erreur de droit.
Avec cette décision, le Conseil d’Etat infirme la position de certains juges du fond dont le raisonnement était fondé sur une analyse purement civiliste, contraire à la lettre de l’article 269 du CGI. En effet, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux[3] avait pu juger qu’un abandon de créances procédait d’un acte de disposition qui devait s’analyser comme un encaissement suivi d’une libéralité envers le débiteur et qui rendait, par suite, exigible le montant de la TVA.
Clara DUBRULLE
Vivaldi-Avocats
[1] Article 269 du CGI
[2] BOI-TVA-BASE-20-20 n° 30
[3] CAA Bordeaux, 7 mai 2008, n° 06-1398