SOURCE : Cass com., 17 mars 2015, n°14-11630, Publié au Bulletin
Les recours à l’encontre des sanctions prononcées par l’AMF sont portées, soit devant le Conseil d’Etat pour les personnes et entités mentionnées au II de l’article L. 621-9 du CMF (PSI, conseillers en investissements financiers, dépositaires de placements collectifs, etc.) soit devant la Cour d’appel de PARIS. Ces recours n’ont pas d’effet suspensif sauf si la décision est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives, notamment pour la personne sanctionnée. Cette appréciation relève du « délégué » du Premier président.
A ainsi pu être qualifié de « conséquence manifestement excessive » par la Cour d’appel de Paris, par ordonnance de ce magistrat :
Une irrégularité ayant gravement mis en péril l’exercice, par la partie sanctionnée, de ses droits de la défense et menaçant sérieusement d’annulation la décision[1]. Tel est le cas du non respect du contradictoire[2] ;
La nécessité, pour la personne sanctionnée, de mettre en œuvre des opérations de recouvrement multiples et couteuses en cas d’annulation de la décision querellée[3] ;
La nécessité de réaliser un patrimoine dans un contexte économique morose pour s’acquitter des sanctions, alors que l’âge de la personne sanctionnée ne lui permet pas de recourir à l’emprunt[4] ;
Le caractère définitif du transfert des titres induit par l’exécution de la décision, dont les effets seront alors irréversibles, nonobstant une annulation ultérieure[5] ;
Les dernières décisions du magistrat tendaient toutefois à ne reconnaître le caractère manifestement excessif de l’exécution de la sanction qu’aux conséquences irréversibles[6], comme en l’espèce, dans laquelle le délégué du Premier Président de la Cour d’appel de Paris avait refusé le sursis à exécution faute de caractère irréversible de l’exécution de la sanction pécuniaire prononcée par l’AMF.
Il rejetait également la demande subsidiaire de la personne sanctionnée de voir suspendue la seule publication, au demeurant erronée, de la décision. Pour ce faire, il retenait que le sursis doit concerner l’ensemble de la décision, sinon rien, et qu’en cas d’erreur dans la publication, causerait-elle un préjudice au requérant, il appartient à celui-ci de saisir les juridictions compétentes pour faire cesser le préjudice et en obtenir réparation. Il ne rappelait ainsi pas sa jurisprudence « classique » visant à refuser, dans la plupart des cas[7], le sursis à publication de la décision, en considérant que la publication contiendra la mention « qu’un recours a été formé devant la Cour d’appel ».[8]
L’ordonnance du délégué du Premier Président est censurée par la Cour de cassation.
D’une part, la Haute juridiction lui rappelle, comme elle l’avait déjà fait en 2012[9], que le magistrat doit s’en tenir à caractériser la « conséquence manifestement excessive » sans pouvoir exiger que la décision remplisse certains critères, comme le caractère irréversible ou non de son exécution. Le magistrat doit simplement apprécier, au cas par cas, si la décision est susceptible d’entrainer des conséquences manifestement excessives ;
D’autre part, elle précise au magistrat que la suspension de l’exécution de la décision est divisible entre ses différentes sanctions : La publication peut ainsi être suspendue alors que la sanction pécuniaire est exécutée, et inversement.
Il appartiendra donc au Premier Président de la Cour d’appel de Paris d’affiner son appréciation, et de déterminer si la sanction pécuniaire, et la publication, entrainent des conséquences manifestement excessive pour la personne sanctionnée.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Sur le principe : cf Ord 4 avril 2007, n°2007/03058 (non retenu en l’espèce)
[2] Sur le principe : cf Ord 9 juin 2011, n°2011/05167 (non retenu en l’espèce)
[3] Ord 18 février 2009, n°2009/01035
[4] Ord 18 décembre 2012, n°12/16736
[5] Ord 8 septembre 2010, n°2010/18689
[6] Ord 10 avril 2014, n°14/05670
[7] Par exception, ord 6 décembre 2001, n°COB SAE 2/2002, dans laquelle le sursis a été octroyé dès lors que la publication aurait pour conséquence immédiate et irréversible de porter atteinte au crédit du dirigeant et de compromettre l’exercice des fonctions de responsabilités occupées au sein d’une entreprise de dimension stratégique et, par voie de conséquence, d’affecter de manière sensible l’image de cette dernière dans une phase décisive de la vie sociale, à savoir la restructuration.
[8] Ord 31 mars 2008, n°2008/02370 ; Ord 28 janvier 2010, n°2009/24356 ; Ord 4 avril 2007, n°2007/03058
[9] Cass. Com., 14 février 2012, n°11-15062