Surévaluation du prix de vente et manquements au devoir de loyauté, d’information et de conseil de l’agent immobilier

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

Source : CA Rouen, ch. civ. et com., 25 mars 2021, n° 19/01978

 

I –

 

Des propriétaires vendeurs ont fait appel à un Agent Immobilier afin de les assister dans la vente de leur immeuble à usage d’habitation.

 

L’Agent Immobilier a évalué le bien à la somme de 400.000 euros net vendeur.

 

Un mandat de vente a alors été régularisé pour un montant de 410.000€ auprès de ladite agence.

 

Entre temps, ces derniers se sont portés acquéreurs d’un bien pour un montant de 302.000 euros, toujours via le même Agent Immobilier.

 

Leur habitation ne trouvant pas acquéreur, ils se sont rapprochés d’autres agences immobilières  qui ont estimé que le prix de l’immeuble fixé à 400.000€ était trop élevé.

 

Suite à des baisses de prix successives, le bien a finalement été vendu pour une somme de 242.000 euros

 

Ayant souscrit un prêt relais auprès d’une société bancaire pour un montant de 331.000€, les propriétaires vendeurs ont mis en demeure l’Agent Immobilier d’avoir à réparer leur préjudice financier.

 

En effet, les propriétaires vendeurs soutenaient qu’ils avaient été convaincus d’acquérir un bien à des conditions financières qui se sont avérées plus lourdes que celles escomptées eu égard à la surévaluation du bien mis en vente par l’Agent Immobilier qui est ainsi parvenu à les convaincre d’acquérir rapidement un nouveau bien par son intermédiaire, lui permettant de de percevoir une commission.

 

Ces derniers ajoutent qu’eu égard à cette situation, ils doivent faire face au remboursement de leur prêt relais sur une période plus importante ce qui a généré un coût supplémentaire

 

II –

 

La question de la faute de l’Agent Immobilier et du préjudice subi par les propriétaires vendeurs a été débattue devant la Cour d’Appel.

 

Selon la Cour, aucun élément versé aux débats par l’Agent Immobilier ne permet de caractériser qu’une étude de marché a été réalisée dans l’environnement voisin pour déterminer la valeur du bien en vente.

 

De même, et selon la Cour, la proximité de la date d’achat par les propriétaires vendeurs d’un bien situé dans la même commune, acquis au prix de 302.000€ y compris les frais de vente soit un prix net vendeur de 280.000€, et le mode de financement utilisé (prêt relais) permettent de retenir comme déterminante de leur engagement, l’évaluation du bien fournie par l’Agent Immobilier.

 

Il est ajouté que l’Agent Immobilier ne pouvait en qualité de professionnel ne pas être conscient de l’incidence de l’évaluation annoncée sur la décision des propriétaires vendeurs de se rendre immédiatement acquéreurs par recours à une prêt relais, une vente rapide de leur bien leur laissant espérer le remboursement aussi rapide leur prêt relais et la réalisation d’une plus value sur l’immeuble vendu.

 

Dans ces conditions le défaut de loyauté de l’Agent Immobilier et son manquement à son obligation d’information et de conseil sont caractérisés et justifie sa condamnation à des dommages et intérêts.

 

Pour ce qui est du montant du préjudice, la Cour d’Appel précise que l’indemnisation porte sur une perte de chance correspondant au fait que les propriétaires vendeurs auraient pu différer leur décision et renoncer à faire appel à un professionnel, s’ils avaient eu connaissance de la valeur réelle de leur bien alors qu’ils ont fait appel à un Agent Immobilier afin de bénéficier d’un conseil objectif.

 

Il est rappelé que l’Agent Immobilier leur avait facturé une commission sur l’acquisition de leur nouvelle habitation.

 

Les dommages et intérêts résultant de la perte de chance de ne pas contracter ont été fixés à la somme de 28.511,07 euros.

 

Le préjudice moral subi par les propriétaires vendeurs du fait de la perte de confiance ressentie est également caractérisé.

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