Sécheresse, fissures et indemnisation : cadre légal de la garantie catastrophes naturelles (Cat-Nat)

Laurine DURAND-FARINA

Les épisodes de sécheresse prolongée constituent une réalité préoccupante, engendrant fréquemment des dommages matériels significatifs, notamment l’apparition de fissures sur les murs.

Ces désordres soulèvent des questions majeures quant à leur prise en charge par les assurances, en particulier dans le cadre de la garantie catastrophes naturelles (Cat-Nat).

I – La garantie Cat-Nat

La garantie Catastrophes Naturelles dite garantie Cat Nat est une extension de garantie obligatoire pour tous les contrats d’assurance de dommages. 

En vertu de l’article 125-1 du Code des assurances « les contrats d’assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l’Etat et garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l’objet de tels contrats. »

La garantie Cat-Nat couvre les « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises ».

Cette garantie permet notamment la prise en charge des dommages causés par la sécheresse, mais elle ne s’applique que dans les communes ayant été officiellement reconnues en état de catastrophe naturelle par un arrêté.

Ainsi, pour qu’un sinistre soit indemnisé au titre de la garantie Cat-Nat, trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Il faut avoir souscrit à un contrat d’assurance ( multirisque habitation, tous risques auto, local professionnel…)
  • Le sinistre doit résulter d’un événement naturel exceptionnel
  • Un arrêté de catastrophe naturelle doit avoir été pris pour la commune concernée.

Lorsque ces conditions sont remplies, l’assuré doit déclarer le sinistre à son assureur dans un délai de 30 jours à compter de la publication de l’arrêté au Journal officiel.

A contrario, si la commune n’est pas concernée par cet arrêté, il est toujours possible d’effectuer une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

La demande doit être adressée au maire, lequel peut ensuite la transmettre au préfet. Cette démarche doit toutefois intervenir dans un délai maximum de 18 mois à compter du début du phénomène naturel.

Une fois les conditions d’application de la garantie Cat-Nat réunies, se pose une question essentielle en cas de différend avec l’assureur : dans quel délai l’assuré peut-il agir pour obtenir indemnisation ?
C’est à cette problématique, relevant du régime de la prescription biennale en matière d’assurance, que la seconde partie de cette analyse est consacrée.

II – Prescription et point de départ du délai de l’action en indemnisation

II – 1. Le régime général de la prescription biennale en matière d’assurance

En vertu de l’article L114-1, alinéa 1er, du Code des assurances, « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. »

À l’issue de ce délai biennal, la prescription est acquise. Dès lors, l’assureur peut refuser toute indemnisation, y compris dans le cas où le sinistre a été régulièrement déclaré et que sa gestion a été engagée.

Ce principe connaît cependant des exceptions, expressément prévues au second alinéa du même article.

Ainsi, ce délai ne court, en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là.

Cette exception, favorable à l’assuré ou au bénéficiaire du contrat, permet de faire courir le délai de prescription à compter de la connaissance effective du sinistre, et non de sa date de survenance. Toutefois, la preuve de cette ignorance incombe à celui qui s’en prévaut, et son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond.

II – 2. Le point de départ du délai de prescription en matière d’assurance couvrant les catastrophes naturelles

En matière d’assurance couvrant les catastrophes naturelles, le point de départ du délai de la prescription biennale prévu à l’article L.114-1 du Code des assurances est fixé, de manière constante par la jurisprudence, à la date de publication au Journal officiel de l’arrêté interministériel reconnaissant l’état de catastrophe naturelle. (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 15 décembre 1993, 91-20.800, Publié au bulletin Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 décembre 2012, 11-24.378, Inédit).

L’« événement » au sens de l’article L.114-1 du Code des assurances est donc la qualification du sinistre en catastrophe naturelle par l’autorité administrative compétente.

Dans un arrêt en date du 11 juillet 2024, la Cour de cassation retient qu’il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et de l’article L. 114-1 du code des assurances que le point de départ de la prescription de l’action en indemnisation des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle se situe à la date de publication de l’arrêté, mais peut être reporté au-delà si l’assuré n’a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu’après cette publication. (Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 Juillet 2024 – n° 22-21.366).

II – 3. Illustration jurisprudentielle (Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 Juillet 2024 – n° 22-21.366).

En l’espèce, des acquéreurs ont, peu après la vente en date du 20 juin 2014, découvert des microfissures affectant leur maison d’habitation.

Par suite, une expertise judiciaire a été ordonnée et l’expert a conclu que les désordres affectant la maison ont pour origine exclusive l’épisode de sécheresse qu’a connu la commune du 1er avril 2011 au 30 juin 2011, épisode qui a été reconnu catastrophe naturelle par arrêté du 27 juillet 2012.

Les acheteurs ont alors assigné leurs vendeurs et l’assureur multi-risques-habitation de ces derniers.

La cour d’appel a déclaré irrecevable comme prescrite leur action à l’encontre de l’assureur au motif que s’agissant d’un sinistre dû à une catastrophe naturelle, le point de départ de la prescription est la date de publication de l’arrêté reconnaissant à la commune l’état de catastrophe naturelle pour la sécheresse et la déshydratation des sols du 1er avril au 30 juin 2011, soit le 2 août 2012 et que les assignations en référé et au fond ont été délivrées plus de deux ans après cette date.

Cependant, la Cour de cassation ne suit pas le raisonnement de la cour d’appel et retient que le délai de prescription n’avait pu commencer à courir avant que les acheteurs aient eu connaissance des dommages affectant leur bien.

La Haute Juridiction fonde sa décision sur l’article 2224 du Code civil qui fixe le point de départ de droit commun de la prescription et de l’article L. 114-1 du Code des assurances et  juge qu’il « résulte de la combinaison de ces textes que le point de départ de la prescription de l’action en indemnisation des conséquences dommageables d’un sinistre de catastrophe naturelle se situe à la date de publication de l’arrêté, mais peut être reporté au-delà si l’assuré n’a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu’après cette publication »

Dès lors, le point de départ de la prescription pour demander une indemnisation à la suite d’une catastrophe naturelle est en principe la date de publication de l’arrêté reconnaissant l’état de catastrophe naturelle.

Cependant, si l’assuré n’a eu connaissance des dommages causés à son bien qu’après cette publication, le point de départ de la prescription peut être reporté à la date où il a eu cette connaissance.

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