Source : Cass.Com., 20 mars 2019, n° 17-18924
I – Les principes
Lors de l’ouverture d’une procédure collective, le créancier doit déclarer sa créance dans les délais sous peine de forclusion.
La créance fait l’objet d’une procédure de vérification par le mandataire jusqu’à être définitivement admise ou rejetée.
D’ores et déjà, il faut prendre pour acquis selon une jurisprudence constante qu’à défaut de déclaration, le créancier sera privé de son droit de poursuite à l’encontre de l’associé tenu au passif social[1].
Une fois ce principe posé, il y a lieu de s’interroger sur le cours de la prescription pendant la procédure collective et notamment au regard des coobligés et de la caution.
II – La règle de droit.
II – 1. Quel délai de prescription ?
La Cour de cassation s’est emparée du débat et a par arrêt en date du 4 juillet 2018, publié au bulletin a précisé dans son attendu :
« Qu’en statuant ainsi, alors que l’opposabilité au codébiteur et à la caution solidaires de la substitution de la prescription, ayant pu se produire, en l’état du droit antérieur à la loi du 17 juin 2008, à la suite de la décision d’admission des créances au passif du débiteur principal du 7 septembre 2004, ne peut avoir eu pour effet de soumettre l’action en paiement du créancier contre le codébiteur et la caution solidaires au délai d’exécution des titres exécutoires, de sorte qu’ayant constaté que la liquidation judiciaire du débiteur avait été clôturée le 18 janvier 2005, ce dont il résultait que le délai de prescription de l’action en paiement résultant de l’article L. 110-4 du code de commerce, interrompu pendant la durée de la procédure collective, avait recommencé à courir à cette date pour une durée de dix ans, réduite à cinq ans à compter du 19 juin 2008, et qu’il était donc expiré lors de la délivrance de la première assignation le 20 août 2013, la cour d’appel a violé le second texte visé par fausse application et le premier par refus d’application ; »
Autrement dit, l’admission de la créance ne peut avoir pour effet de soumettre l’action en paiement contre la caution à la prescription de 10 ans relatifs au délai d’exécution des titres exécutoires, mais doit être soumise à la prescription de droit commun.
Cet arrêt a été confirmé le 3 octobre 2018[2] réaffirmant l’application de la prescription de droit commun.
II – 2. La poursuite des associés d’une SCI.
L’article L622-25-1 du Code de commerce interrompt la prescription à l’encontre de la caution et du débiteur pendant toute la durée de la procédure collective.
La jurisprudence est venue préciser que l’interruption de la prescription demeure acquise si les créances ne sont pas vérifiées ou si l’ouverture de la liquidation judiciaire est annulée[3].
Aussi, par arrêt en date du 18 mai 2007, la Chambre Mixte de la Cour de cassation permet la poursuite à l’encontre des associés d’une SCI à l’occasion de vaines poursuites et précise dans son attendu :
Mais attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 1858 du Code civil que les créanciers d’une société civile de droit commun ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre les associés, débiteurs subsidiaires du passif social envers les tiers, qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale et que dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d’établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser ; que l’action peut être régularisée si la créance a été régulièrement déclarée à la procédure ;
qu’ayant relevé que la SCI avait été mise en liquidation judiciaire et dès lors qu’il n’était pas contesté que la créance avait été déclarée à cette procédure, la cour d’appel en a exactement déduit que les vaines poursuites à l’égard de la SCI étaient établies ;
En d’autres termes, les associés et la caution ne pourront se prévaloir de la prescription du fait de l’admission de la créance qui, par essence, consacre l’existence et le montant de la créance[4].
Mais, la Cour de préciser, par arrêt en date du 20 mars 2019 que :
« Mais attendu, d’une part, que l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’admission de la créance au passif de la procédure collective d’une société ne prive pas l’associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d’opposer au créancier la prescription de l’article 1859 du civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l’action du créancier contre l’associé ;
Et la Cour de poursuivre :
Et attendu, d’autre part, qu’en cas de liquidation judiciaire d’une société civile de droit commun, la déclaration de créance au passif de cette procédure dispense le créancier d’établir l’insuffisance du patrimoine social ; qu’il en résulte que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n’est pas dans l’impossibilité d’agir contre l’associé ; qu’ayant relevé que, s’il n’était pas établi que le jugement de conversion ait été publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, la Caisse avait déclaré sa créance le 5 juin 2008, ce qui manifestait sa connaissance du prononcé de la liquidation judiciaire, la cour d’appel en a exactement déduit que la Caisse n’était pas dans l’impossibilité d’agir contre M. R…, de sorte que l’action exercée contre ce dernier le 12 février 2015 était prescrite. »
De ce fait, le créancier qui déclare sa créance n’est pas empêché d’agir contre l’associé ou la caution.
Il est donc majeur pour le créancier d’interrompre la prescription à l’encontre des garants en veillant à déclarer les garanties et bénéficier de l’interruption de prescription jusqu’à la clôture de la procédure collective prévue par l’article L622-25-1.
Surtout, par cet arrêt, la Cour précise que la déclaration de créance n’empêche pas le créancier d’agir contre l’associé.
La Cour vient différencier la nature de l’action du créancier. Elle distingue en effet, par application de l’article 1859 du Code civil, l’action contre l’associé de celle de la créance retenue contre la société.
Ainsi, si la nature des créances est différente, la prescription l’est tout autant. Cet arrêt demeure critiquable sur ce point au regard de l’unicité de nature de créance.
[1] Cass.Com., 22 mars 1995, n° 92-20048
[2] Cass.Com., 3 octobre 2018, n°16-26985 F-P+B+I
[3] Cass.Com., 15 mars 2005, n° 03-17783 et Cass.Com., 27 janvier 2015, n°13-20463
[4] Cass.ch mixte, 18 mai 2007, n°11-20746