Source : Cass.Civ.2., 4 mars 2021, n° 19-22193 F-P
Un débiteur saisi fait appel du jugement d’orientation ayant ordonné la vente forcée. Se prévalant de la nullité de l’assignation, il sollicitait devant la Cour la nullité du commandement, de l’assignation et des actes en découlant, en réalité, la nullité de la procédure de saisie immobilière.
La Cour d’appel répondra favorablement à l’appel incitant le créancier poursuivant à former un pourvoi.
Il faut immédiatement préciser que la Cour rendra un arrêt de pur droit par application des dispositions de l’article 620 du Code de procédure civile qui dispose :
« La Cour de cassation peut rejeter le pourvoi en substituant un motif de pur droit à un motif erroné ; elle le peut également en faisant abstraction d’un motif de droit erroné mais surabondant.
Elle peut, sauf disposition contraire, casser la décision attaquée en relevant d’office un moyen de pur droit. »
C’est donc une mise au point et une critique adressée à la Cour pour lui rappeler quelques notions.
En effet, la Cour rappellera deux éléments. Tout d’abord, en cas d’appel annulation, la dévolution s’opère sur le tout. Ensuite, elle ajoute que la Cour d’appel doit statuer sur le fond en application des dispositions de l’article 562 du même Code :
« L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »
Un exception cependant, l’effet dévolutif n’opère pas si l’irrégularité affecte l’acte introductif d’instance. Autrement dit, lorsque l’irrégularité touche l’acte introductif d’instance et que le défendeur ne comparait pas, alors l’appel est dépourvu d’effet dévolutif sur le fond puisque le jugement sera déclaré nul[1].
La Cour précisera dans son dispositif :
« 7. Pour annuler le commandement de payer valant saisie immobilière et, en conséquence, tous les actes subséquents de la procédure de saisie immobilière, en ce compris le jugement d’orientation, l’arrêt retient, après avoir relevé les diligences accomplies par les différents huissiers de justice pour délivrer le commandement de payer valant saisie immobilière, l’assignation à l’audience d’orientation et signifier le jugement d’orientation, qu’en définitive, au stade de la délivrance du commandement de saisie immobilière, l’huissier de justice mandaté par la société ignorait l’adresse du débiteur et n’avait aucun motif de considérer que le bien saisi pouvait constituer son domicile.
8. Il ajoute qu’au contraire, la connaissance du précédent usufruit de la mère de M. B était plutôt de nature à convaincre l’huissier instrumentaire qu’il ne s’agissait pas du domicile de l’intéressé, que ne disposant pas de son adresse, il lui appartenait de faire la recherche qu’il n’a faite qu’au stade de la délivrance de l’assignation pour découvrir que M. B était gérant d’une SARL L’Etincelle et qu’une levée d’extrait du registre du commerce et des société saurait alors permis de confirmer l’adresse personnelle du gérant et qu’au demeurant, un simple courrier envoyé à l’adresse de la société L’Etincelle aurait aussi suffit à informer M. B de l’assignation à comparaître devant le juge de l’exécution.
9. Il en déduit que la délivrance des actes à l’adresse du bien saisi, en connaissance du fait qu’il ne correspondait pas au domicile du débiteur, a fait grief à M. B en ne lui permettant pas d’assurer sa défense devant le juge de l’exécution, ce qui le prive de tout moyen de contestation en cause d’appel en vertu de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution.
10. En statuant ainsi, la cour d’appel, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3,alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. L’assignation à l’audience d’orientation étant irrégulière et cette irrégularité ayant causé un grief au débiteur, il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4, 5 et 6 qu’il convient de prononcer l’annulation de l’assignation du 25 septembre 2018 à l’audience d’orientation et, en conséquence, du jugement d’orientation rendu le 15 janvier 2019.
14 La dévolution ne s’opérant pas pour le tout, il n’y a pas lieu de statuer sur les autres demandes.
PARCES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE ,en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 4 juillet 2019,entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi; »
L’assignation à l’audience d’orientation étant irrégulière et que cette irrégularité a causé un grief au débiteur, la Cour d’appel aurait du prononcer son annulation et en tirer les conséquences en annulant le jugement d’orientation. Les Juges du Quai de l’Horloge pallieront à cette maladresse.
Dans la logique de la Cour d’appel, elle avait annulé le commandement valant saisie immobilière et annulé tous les actes subséquents de la procédure de saisie immobilière, en ce compris le jugement d’orientation.
En réalité, elle aurait dû d’abord prononcer la nullité de l’assignation à l’audience d’orientation après avoir constaté le préjudice causé au débiteur par l’irrégularité de cet acte, pour en tirer la conséquence de la nullité du jugement.
[1] Civ. 2e, 27 févr. 1985, n° 83-16.446 ; 18 déc. 1996, n° 94-16.332