Saisie des rémunérations : la vigilance des employeurs s’impose.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : 2ème civ, 1er décembre 2016, Arrêt n°15-27.303 – (FS-P+B)

 

Un Jugement du 22 avril 2008 du Tribunal Correctionnel de TROYES a condamné une personne à payer certaines sommes à trois personnes en réparation de leur préjudice.

 

Le 18 mai 2009, les créanciers desdites sommes ont demandé une mise en place d’une saisie des rémunérations à l’encontre de leur débiteur en exécution de cette décision pénale.

 

La saisie des rémunérations a été ordonnée le 24 septembre 2009 pour un montant total de 460 091,88 €.

 

A la suite d’un avis à tiers détenteur émis par le Trésor Public, la procédure de saisie des rémunérations a été suspendue.

 

Ayant accordé un moratoire permettant le paiement échelonné de la dette, le Trésor Public va donner la mainlevée totale de l’avis à tiers détenteur.

 

Pour autant, l’employeur ne va pas reprendre la saisie des rémunérations.

 

Par suite, une Ordonnance de contrainte va être prononcée le 05 novembre 2013 par le Juge d’Instance à l’encontre de l’employeur en le déclarant directement débiteur des sommes qui auraient dû être saisies du mois d’avril 2012 au mois de septembre 2013 sur les salaires de son employé pour un montant de 92 338,74 €.

 

L’employeur et son salarié vont s’y opposer au motif que la mainlevée totale n’avait pas pour effet de faire reprendre le cours des saisies des rémunérations des autres créanciers puisque la dette fiscale n’était pas éteinte.

 

En cause d’appel, la Cour d’Appel de CHAMBERY, dans un Arrêt du 17 septembre 2015, va rejeter l’argumentation de l’employeur et de son salarié, au motif que la mainlevée à tiers détenteur par le Trésor Public a constitué pour ce dernier un renoncement à la priorité de son recouvrement et mis fin à la suspension de la saisie des rémunérations, de sorte qu’à partir de la mainlevée, l’employeur saisi aurait dû reprendre les versements auprès du Greffe du Tribunal d’Instance d’ANNECY des sommes saisies sur la rémunération de son salarié en vertu des autres créances.

 

La Cour relève que la mainlevée totale d’opposition, visant le délai accordé au salarié pour régler sa dette à l’égard du Trésor Public, avait pour effet que l’employeur dispose des sommes ayant fait l’objet de l’avis à tiers détenteur et s’en dessaisisse au profit des autres créanciers du salarié, dans le cadre de la saisie des rémunérations signifiée à l’employeur.

 

Par suite, l’Arrêt d’Appel condamne l’employeur à verser une somme globale de 90 611,64 € qui aurait dû être saisie entre le mois d’avril 2012 et le mois de septembre 2013.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur et son salarié forment un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de leur pourvoi, ils prétendent que la notification à l’employeur d’un avis à tiers détenteur suspend le cours de la saisie des rémunérations jusqu’à l’extinction de l’obligation du redevable envers l’Administration Fiscale, peu important que le Trésor Public ait donné la mainlevée pour permettre au redevable de s’acquitter de sa dette selon l’échéancier dont ils sont convenus.

 

Mais la 2ème Chambre Civile ne va pas suivre l’employeur et son salarié dans leur argumentation.

 

Relevant que si l’avis à tiers détenteur donne une priorité absolue à la Trésorerie et suspend la procédure de saisie des rémunérations dès sa notification, tel n’était plus le cas lorsqu’il en avait été donné mainlevée, laquelle met fin à tous ses effets, peu important le motif de cette mainlevée, de sorte que la société qui n’avait pas procédé aux retenues correspondant à la part saisissable des rémunérations alors que la procédure de saisie des rémunérations avait repris son cours, en est devenu personnellement débitrice par application de l’article L.3252-10 du Code du Travail.

 

Par suite, la Haute Cour rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

 

 

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