Rupture conventionnelle proposée avant le licenciement : manœuvre suspecte ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Arrêt de la Cour d’Appel de POITIERS du 10 juillet 2013, n° 11/05 381.

  

Dans cette affaire, une société exploitant une activité de fabrication et de pose de vérandas  en aluminium avait engagé un salarié le 31 mars 2008 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée s’étant poursuivi ensuite dans le cadre d’un contrat à durée déterminée.

 

A ce poste, le salarié était chargé de réaliser la pose d’abris de piscine  au domicile des clients, travaillant en binôme sous la responsabilité d’un chef d’équipe et d’un responsable de pose.

 

Le 10 novembre 2009, le salarié fut convié à un entretien organisé en vue de lui faire un rappel à l’ordre pour des griefs relatifs à des manquements d’ordre technique dans l’exécution de son travail, outre la dégradation d’une remorque. Ledit entretien fut suivi d’un avertissement notifié le 15 novembre 2009.

 

Pour autant, le 23 novembre 2009, le salarié contestait cet avertissement faisant état de difficultés de fonctionnement et relationnelles dans l’exécution de son travail.

 

Le 1er mars 2010, l’employeur proposait au salarié une rupture conventionnelle de son contrat de travail que celui-ci refusait.

 

Le 09 mars 2010, le salarié fut convoqué à un entretien préalable au licenciement, lequel lui fut notifié le 30 mars 2010 pour “difficultés relationnelles récurrentes et mésentente avec ses collèges et sa hiérarchie, malgré des rappels à l’ordre”.

 

Le salarié saisissait le Conseil des Prud’hommes de LA ROCHE SUR YON pour voir annuler l’avertissement qui lui avait été notifié, constaté le non respect de la procédure de licenciement et l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

 

Par un Jugement du 06 décembre 2011, le Conseil des Prud’hommes de LA ROCHE SUR YON accueillit l’ensemble des demandes du salarié, de sorte que l’employeur relevait appel de cette décision, demandant à la Cour de réformer le Jugement.

 

A l’appui de ses demandes, l’employeur exposait que courant de l’année 2009, il avait été amené à faire part au salarié de griefs techniques et de difficultés relationnelles avec les membres de l’équipe qui lui reprochaient de “tirer au flanc” en leur laissant les travaux ingrats ou difficiles, ce qui avait conduit à l’entretien du rappel à l’ordre du 10 novembre 2009 et à l’avertissement notifié le 15 novembre 2009.

 

Face à cette situation, la société avait confié au salarié des travaux d’atelier, sans plus de succès compte tenu des négligences de l’intéressé, de sorte que le responsable de pose avait de nouveau fait appel à la Direction des Ressources Humaines pour trouver une solution, ce qui avait abouti à la proposition de rupture conventionnelle.

 

L’employeur faisait valoir que faute de l’accord du salarié sur le principe de la rupture conventionnelle, il avait été contraint de le licencier, la poursuite des relations contractuelles étant impossible compte tenu des difficultés relationnelles du salarié avec ses collègues.

 

La société estime, en outre, que le fait d’avoir tenté une rupture conventionnelle n’induit pas l’absence de motif réel et sérieux du licenciement et souligne que celui-ci n’est pas motivé par le refus du salarié d’accepter la rupture conventionnelle, mais par des griefs réels et sérieux relatifs à des difficultés relationnelles récurrentes, dégradant l’ambiance de travail malgré plusieurs rappels à l’ordre.

 

De son côté, le salarié qui demandait à la Cour de confirmer le Jugement dans toutes ses dispositions, fait valoir que la proposition d’une rupture conventionnelle rendait le licenciement suspect, considère qu’une alternative à son licenciement aurait été possible dans le cas d’une réaffectation de ses tâches en atelier, reprochant à son employeur  de ne pas être intervenu efficacement pour instaurer de bonnes conditions de travail.

 

La Cour d’Appel n’entendra pas les griefs du salarié et considérant au contraire que la liberté du consentement du salarié, qui est une condition de validité de la rupture conventionnelle, n’est pas automatiquement altérée par l’existence d’une situation de fait pouvant justifier éventuellement un licenciement, il suffit que le consentement du salarié ait été libre et éclairé et qu’en conséquence, c’est à tort que le Conseil des Prud’hommes de LA ROCHE SUR YON a déduit de la seule existence d’une proposition préalable de rupture conventionnelle, qui a été refusée, le caractère injuste du licenciement sans que l’opportunité de la rupture conventionnelle puisse à elle seule et de facto vicier une procédure ultérieure de rupture des relations contractuelles sous la forme d’un licenciement, dont il convient d’apprécier le bien fondé selon les règles du droit commun applicables en la matière.

 

La Cour relève également qu’il était constant que malgré les rappels à l’ordre dont le salarié avait fait l’objet, il n’avait pas adopté un comportement personnel et professionnel lui permettant de travailler en bonne intelligence avec ses collègues, qu’il avait ainsi mis en péril le bon fonctionnement du service et que par suite, le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

  

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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