Responsabilité du PSI pour manquement à son devoir d’évaluation de la situation financière de l’investisseur

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : Cass com., 3 mai 2018, n°16-16809, FP-P+B+I

 

Le manquement au devoir de tout prestataire de service d’investissement de s’informer de la situation financière de son client et de ses objectifs d’investissement, nourrit un abondant contentieux conduisant la Cour de cassation à censurer les arrêts des juridictions du fond refusant de reconnaître la faute du prestataire[1].

 

Classiquement, il s’agit pour l’investisseur non averti subissant des pertes importantes au titre d’investissements spéculatifs d’obtenir, en reprochant au prestataire le non respect de ses obligations contractuelles, le remboursement des sommes perdues, en affirmant que le manquement l’a conduit à des investissements inappropriés entrainant des pertes financières importantes, qui doivent être indemnisées par le prestataire.

 

C’est dans ce contexte que dans un précédent arrêt, la Chambre commercial de la Cour de cassation avait considéré que la faute du PSI fait perdre à l’investisseur « une chance d’échapper, par une décision peut-être plus judicieuse, aux risques qui se sont réalisés  et qu’il avait, ainsi, subi un préjudice qu’il appartenait [à la Cour d’appel] d’évaluer »[2];

 

La jurisprudence laissait toutefois en suspens les conséquences d’un manquement du PSI sans préjudice clairement déterminé pour l’investisseur. Or en matière de responsabilité contractuelle, selon la jurisprudence dominante de la Cour de cassation, des dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle[3].

 

Un investisseur liait ainsi la faute du PSI à une absence de rendement suffisant du portefeuille de titre. Il engageait la responsabilité du prestataire en 2011 en lui reprochant une perte de chance de mieux investir.

 

Plus précisément, il faisait grief au PSI de lui avoir fait souscrire en 1999 un mandat de gestion de profil dynamique de portefeuille de titres, sans l’accomplissement des obligations de l’article 58 de la loi n°96-597 du 2 juillet 1996, codifié sous l’article L533-4 du CMF[4]. A contrario, selon l’investisseur, un mandat de gestion moins risqué (profil sécurisé ou équilibré) aurait conduit à un meilleur rendement.

 

L’action étant nécessairement enfermée dans des délais de prescription, les parties se sont accordées sur la prescription décennale[5], avant de s’opposer sur la détermination du point de départ de la prescription, qui serait

 

– la date de signature du mandat pour le PSI (1999, entrainant la prescription de la demande) ;

 

– le jour où le demandeur a eu connaissance de ce qu’il aurait pu bénéficier de meilleurs investissements sans que l’investisseur ne se positionne sur cette date (l’assignation ?)

 

La difficulté a été tranchée par la Cour d’appel de PARIS qui, dans un arrêt du 24 novembre 2015, a considéré que ce point de départ est la date de conclusion du mandat.

 

L’affaire a fait l’objet d’un pourvoi, qui a permis à la Chambre commercial de la Cour de cassation, réunie en formation plénière pour trancher la difficulté, de préciser sa jurisprudence entourant la mise en cause de la responsabilité du PSI : Selon la Haute juridiction, la faute contractuelle du prestataire n’engage sa responsabilité que pour autant qu’un préjudice résultant exclusivement du manquement soit démontré. Or l’insuffisance de performance d’un portefeuille de titre ne semble pas répondre à cette condition, puisqu’il peut être lié à des causes diverses, contrairement à la perte conséquente subie par un client non averti au titre d’un investissement risqué.

 

Aucune perte exclusivement liée au manquement à l’obligation du PSI de s’informer, dans le délai de prescription, n’étant invoquée par l’investisseur dans son moyen de cassation, celui-ci, quelle que soit la recevabilité de son argumentation concernant le report du point de départ du délai de prescription, ne permet donc pas de répondre à la difficulté. Il est donc inopérant.

 

Le pourvoi est, en conséquence, rejeté.

 

L’enseignement de la Chambre commerciale est ainsi clair : A l’instar de la responsabilité délictuelle, la faute contractuelle du cocontractant n’est sanctionnée que si un préjudice résultant immédiatement de la faute est démontré.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] Cass com., 15 juin 2011, 10-18.517 ; 1ère civ, 11 septembre 2013, 12-18.864

[2] Cass com., 12 juin 2012, 11-20.303, Inédit

[3] Cf notamment 3ème civ, 3 décembre 2003, 02-18.033

[4] L541-8-1 depuis 2010

[5] Devenu quinquennale depuis le 19 juin 2008 (article 2224 du Code civil)

 

 

 

 

 

 

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