Source : Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 20 mars 2020, n°423664
Aux termes de l’article 238 bis du Code général des impôts, sont susceptibles d’ouvrir droit à une réduction d’impôt les versements effectués par les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général. Pour ouvrir droit à la réduction d’impôt, le versement doit procéder d’une intention libérale de l’entreprise et ne doit pas être la contrepartie d’une prestation que l’organisme a effectuée à son profit.
L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 20 mars 2020 rappelle que le bénéfice du dispositif fiscal en faveur du mécénat ne doit pas être remis en cause s’il existe une disproportion marquée entre les sommes données et l’avantage retiré par le donateur.
Le mécénat se définit comme un soutien matériel ou financier apporté sans contrepartie directe ou indirecte de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une personne morale pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général. En d’autres termes, le mécénat consiste à faire un don, en numéraire ou en nature, à un organisme d’intérêt général pour la conduite de ses activités sans attendre en retour de contrepartie équivalente.
La doctrine administrative précise que le bénéfice du dispositif en faveur du mécénat ne sera remis en cause que s’il n’existe pas une disproportion marquée entre les sommes données et la valorisation de la « prestation » rendue par l’organisme bénéficiaire des dons.
Autrement dit, l’organisme bénéficiaire peut associer le nom de l’entreprise donatrice aux opérations qu’il réalise, sans préjudice pour l’entreprise donatrice qui pourra bénéficier de la réduction d’impôt[1].
En l’espèce, l’EURL X a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010 et 2011, à l’issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, résultant notamment de la remise en cause de la réduction d’impôt prévue à l’article
238 bis du code général des impôts.
L’EURL X avait consenti des dons à une association, dont l’objet était de promouvoir le sport automobile féminin en finançant l’activité des pilotes de sexe féminin.
Le Conseil d’Etat souligne que :
« si le bénéfice de la réduction d’impôt prévue par ces dispositions n’est pas susceptible d’être remis en cause par la seule circonstance que le nom de l’entreprise versante soit associé aux opérations réalisées par l’organisme bénéficiaire du versement, il ne saurait toutefois être admis qu’à la condition que la valorisation du nom de l’entreprise ne représente, pour cette dernière, qu’une contrepartie très inférieure au montant du versement accordé ».
C’est d’ailleurs ce que prévoit la doctrine administrative[2] qui énonce :
« Il est considéré que l’association du nom de l’entreprise versante aux opérations réalisées par l’organisme relève du mécénat si elle se limite à la mention du nom du donateur, quels que soient le support de la mention (logo, sigle etc.) et la forme du nom, à l’exception de tout message publicitaire.
Le bénéfice du dispositif en faveur du mécénat n’est remis en cause que s’il n’existe pas une disproportion marquée entre les sommes données et la valorisation de la « prestation » rendue par l’organisme.
En d’autres termes, le fait que l’organisme accorde des contreparties à l’entreprise qui effectue un versement à son profit ne remet pas en cause l’intention libérale caractérisant l’éligibilité du versement à la réduction d’impôt dès lors que ce versement est manifestement disproportionné par rapport aux contreparties accordées. »
En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit en jugeant que la circonstance que le nom de l’EURL X était apposé sur les véhicules de course et le camion semi-remorque utilisés par les membres de l’association n’était pas de nature à remettre en cause le bénéfice des réductions d’impôt en litige, quelle que fût la valeur économique de l’exposition médiatique dont la société aurait bénéficié à l’occasion des courses automobiles, alors qu’il lui appartenait de rechercher si l’avantage publicitaire ainsi retiré par la société n’avait représenté pour cette dernière qu’une contrepartie très inférieure au montant des versements accordés.
Le Conseil d’Etat instaure une obligation de mesurer la disproportion existant entre le montant du don et l’avantage retiré en contrepartie par le donateur.
[1] BOI-BIC-RICI-20-30-10-20-20190807 n°120 et suivants
[2] BOI-BIC-RICI-20-30-10-20-20190807 n°160