Projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnance des mesures pour le renforcement du dialogue social.

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

 

Source : Projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, présenté à l’Assemblée Nationale le 29 juin 2017.

 

Adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 13/7/2017

 

Adopté et modifié par le Sénat le 27/7/2017

 

Renforcer, simplifier le dialogue social, sécuriser les relations de travail sont les trois volets présentés dans le cadre du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnance des mesures pour le renforcement du dialogue social.

 

L’exposé des motifs vise une rénovation profonde du modèle social en concertation avec les organisations syndicales et patronales.

 

Ce projet de loi constitue une première étape des autres réformes dont il est prévu qu’elles seront menées dans les dix huit prochains mois.

 

Le projet de loi est peu précis sur les modifications envisagées, sachant qu’il s’agit de tracer les grandes lignes qui devraient être négociées avec les partenaires sociaux.

 

L’article Ier de ce projet adopté par l’Assemblée Nationale le 13 juillet 2017, vise plus précisément la négociation collective et notamment la négociation d’entreprise.

 

L’articulation accord d’entreprise ou d’établissement et accord de branche évolue.

 

L’idée force est que « si la loi doit fixer de manière accessible et simplifiée les règles d’ordre public auxquelles la négociation collective ne peut apporter d’adaptations ainsi que les dispositions supplétives à défaut d’accord collectif, il appartient aux acteurs locaux de déterminer conjointement les règles selon lesquelles ils entendent régir leurs relations de travail »[1].

 

La Ministre du Travail lors de son audition par la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale, a avancé que l’articulation actuelle entre accord de branche et accord d’entreprise est complexe et insécurisée dans une grande majorité de champs de négociation, ce qui n’était pas de nature à permettre le dialogue social.

 

L’article Ier du projet de loi adopté par l’Assemblée Nationale première lecture pose un principe :

 

Celui de reconnaître et d’attribuer une place centrale à la négociation collective et notamment la négociation d’entreprise.

 

Le postulat est le suivant : la même règle ne peut plus s’appliquer à toutes les entreprises et à tous les salariés quel que soit le secteur ou la taille, elle n’est plus adaptée aux enjeux actuels.

 

Il s’agit :

 

– de définir dans le respect des dispositions d’ordre public :

 

– Les domaines limitativement énumérés dans lesquels la convention ou l’accord d’entreprise ou le cas échéant d’établissement ne peut comporter des stipulations différentes de celles des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels

 

– Les domaines limitativement énumérés, conditions dans lesquelles des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels peuvent stipuler expressément s’opposer à toute adaptation par convention ou accord d’entreprise ou le cas échéant d’établissement et en reconnaissant dans les autres domaines la primauté de la négociation d’entreprise ou le cas échéant d’établissement.

 

– Les critères, les conditions et le cas échéant les contreparties aux salariés selon lesquelles l’accord de branche peut prévoir que certaines de ses stipulations dans des domaines limitativement énumérés sont adaptées ou ne sont pas appliquées dans les petites entreprises couvertes par l’accord de branche pour tenir compte de leurs contraintes particulières.

 

Les autres dispositions de cet article concernent l’harmonisation des conditions de recours, le contenu des accords, les conditions dans lesquelles la validité d’un accord peut être contestée, les modalités de validité d’un accord dans les entreprises.

 

Le texte demeure flou sur les domaines dans lesquels l’accord d’entreprise ou d’établissement pourra déroger dans un sens même défavorable à l’accord de branche.

 

Les domaines dans lesquels les accords de branches primeraient seraient :

 

– Les minima conventionnels,

– la classification,

– les financements paritaires,

– la gestion et qualité de l’emploi,

 

La branche pourrait décider de faire primer son accord sur les accords d’entreprise, s’agissant de la prévention des risques professionnels et la pénibilité, le handicap, les conditions d’exercice des mandats syndicaux notamment en termes de carrière selon les dernières déclarations de la Ministre du Travail devant le Sénat.

 

Les domaines non listés dans les blocs I et II seraient en conséquence des domaines permettant la supériorité de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche dans le même thème.

 

Ce projet s’inscrit dans le prolongement des textes adoptés depuis 2004.

 

La loi n°2004-391 du 4 mai 2004 avait permis qu’un accord d’entreprise puisse déroger à l’accord de branche à l’exclusion de domaines réservés.

 

L’accord de branche pouvait toutefois interdire à un accord d’entreprise de déroger aux dispositions qu’il instaure, par le biais d’une clause.

 

Des clauses qualifiées de verrouillage avaient ainsi été introduites dans nombre d’accords postérieurs à 2004 de sorte que la possibilité de déroger dans les accords d’ entreprise à des accords de branche était limitée.

 

La loi du 20 août 2008 de rénovation de la démocratie sociale avait instauré la primauté de l’accord d’entreprise dans des domaines relativement limités, relevant de la durée du travail, les dispositions de l’accord de branche ne s’appliquant qu’à défaut de dispositions prévues dans l’accord d’entreprise

.

La loi du 8 août 2016 dite loi EL KHOMRI a renforcé ces dispositions en permettant des accords dérogatoires en matière de durée du travail et de congés.

 

Il apparaît que le législateur de 2017 veuille aller plus loin en restreignant les domaines dans lesquels il sera possible de verrouiller l’accord de branche et en élargissant le domaine des accords dérogatoires.

 

Le projet de loi a été adopté par le SENAT qui a apporté quelques amendements.

 

Patricia VIANE-CAUVAIN

Vivaldi-Avocats


[1] Exposé des motifs

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