Source : Cour de Cassation Ch Sociale 16 mars 2022 n° 20-22958
Agent de sécurité polyvalent à temps complet d’une entreprise française filiale d’une société de droit suisse, un salarié demande l’application de la loi suisse à son contrat de travail, sollicite des demandes de rappels de salaires et le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de son employeur.
Il soutient que la société qui l’emploie, filiale et celle au profit de laquelle il a été mis à disposition, se sont rendues coupables de prêt de main d’œuvre illicite.
Il était affecté à la sécurité du site du Cern (devenu organisation européenne pour la recherche nucléaire),dont le domaine s’étend sur le territoire suisse et sur le territoire français, son employeur étant bénéficiaire d’un contrat de prestation de services suite à un appel d’offre réalisé en 2011.
Il explique que :
La filiale française et la société de droit suisse se sont liguées afin d’obtenir le marché dans le cadre d’une opération de prêt de main d’œuvre illicite de la filiale française auprès de la société de droit suisse.
La société de droit suisse est convenue avec sa filiale d’une convention par laquelle l’officier et le chef de terrain que la première emploie, encadrent le personnel de la filiale.
Selon le salarié, la société de droit suisse a imposé à sa filiale française sa direction du personnel, la discipline appliquée à celui-ci, l’organisation du temps de travail, du repos et des congés payés.
Le salarié débouté de ses demandes, forme un pourvoi en soutenant que :
La fausse sous-traitance constitutive d’un prêt de main-d’œuvre illicite à but lucratif est révélée par le transfert à l’entreprise utilisatrice du pouvoir de direction et de contrôle sur le salarié mis à sa disposition : la Cour d’Appel aurait dû rechercher si la société (la filiale) justifiait du maintien d’un lien de subordination avec le salarié
la Cour d’Appel aurait dû rechercher si les conditions de validité du prêt de main d’œuvre à but non lucratif étaient établies.
La Cour de Cassation relève que :
La Cour d’Appel a apprécié souverainement les éléments qui lui étaient soumis en retenant que le salarié n’établissait pas les éléments caractérisant un contrat de travail à l’égard de la société suisse, dont l’existence d’un lien de subordination, et qu’aucune pièce ne révélait que le lien de subordination sur les salariés de la société avait été transféré à la société suisse moyennant obligation de paiement par son intermédiaire du salaire et des accessoires tout en prélevant un bénéfice pour elle-même.
L’article L 8241-1 du Code du travail interdit toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre à de rares exceptions dont le travail temporaire.
Le but lucratif est exclu lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.
En l’occurrence le seul fait que les salariés de la filiale soient encadrés par deux personnes de la société suisse est insuffisant à démontrer l’existence d’un lien de subordination, d’une mise à disposition du salarié, et donc d’un prêt de main d’œuvre illicite.
De son côté le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert en application de l’article L8241-2 du Code du Travail
« 1° L’accord du salarié concerné ;
2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;
3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail. »
Il ne résulte pas des éléments apportés par le salarié, l’existence d’une mise à disposition des salariés de la société française au profit de l’entreprise suisse.
Deux autres salariés ont également introduit une action sur ce même fondement ; ils ont également été déboutés.