SOURCE : CE 5 février 2014, req. n°366208, publié au recueil Lebon.
En l’espèce, la communauté de communes de Rhône-Lez-Provence avait déposé à la mairie de Bollène une demande de permis de construire en vue de l’édification d’un ensemble immobilier de trois bâtiments comprenant des bureaux pour la communauté de communes, des nouveaux locaux destinés à la gendarmerie nationale, ainsi que des logements de fonction pour les gendarmes.
La communauté de communes était propriétaire du terrain de l’assiette et des futures constructions, dont elle devait assurer la maîtrise d’ouvrage.
En l’absence d’intervention d’une décision expresse à l’issue du délai d’instruction de la demande de permis, un permis de construire avait été tacitement délivré à la communauté de communes.
Estimant que le maire n’était nullement compétent pour délivrer l’autorisation d’urbanisme, la commune de Bollène a demandé au juge des référés la suspension du permis de construire tacitement délivré.
Par une ordonnance du 5 février 2013, le juge des référés a rejeté la demande de suspension, considérant que la commune ne justifiait d’aucun intérêt à contester le permis de construire litigieux, lequel devait être regardé comme ayant été tacitement délivré, dans son intégralité, au nom de celle-ci par le maire.
En d’autres termes, la commune ne disposait d’aucun intérêt à attaquer un acte dont elle était elle-même l’auteur.
En effet, après avoir relevé que la communauté de communes était à la fois propriétaire du terrain de l’assiette et des futures constructions, et maître de l’ouvrage, le juge des référés a jugé que la circonstance que deux des trois bâtiments objets de la demande de permis de construire soient destinés à être mis à disposition de l’Etat, à l’effet d’y installer une gendarmerie et des logements de fonction pour les gendarmes, ne permettait pas pour autant de les faire regarder comme étant réalisés pour le compte de l’Etat au sens des dispositions de l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme.
En l’occurrence, la mise à disposition des bâtiments au profit de l’Etat intervenait dans le cadre d’un contrat de bail de neuf ans, assorti du versement d’une subvention, en application des dispositions de l’article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales :
« Jusqu’au 31 décembre 2013, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale peuvent construire, y compris sur les dépendances de leur domaine public, acquérir ou rénover des bâtiments destinés à être mis à la disposition de l’Etat pour les besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales ».
Un tel raisonnement a été censuré par le Conseil d’Etat, lequel a énoncé, au sein d’un considérant de principe, que la notion de « projets réalisés pour le compte de l’Etat » telle que visée à l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme devait comprendre « toute demande d’autorisation d’utilisation du sol qui s’inscrit dans le cadre de l’exercice par celui-ci de ses compétences au titre d’une mission de service public qui lui est impartie et à l’accomplissement de laquelle le législateur a entendu que la commune ne puisse faire obstacle en raison des buts d’intérêt général poursuivis ».
Les circonstances que le demandeur de l’autorisation ne soit pas l’Etat lui-même, et que celui-ci ne soit pas propriétaire du terrain d’assiette ou des constructions objets de la demande, sont sans incidence sur la compétence du préfet pour délivrer l’autorisation.
Aussi, la notion de « projets réalisés pour le compte de l’Etat » dépasse la notion traditionnelle de « mandat », dès lors qu’en telle hypothèse, les biens construits n’ont pas nécessairement vocation à devenir la propriété de l’Etat.
En l’espèce, le permis de construire devait alors être regardé comme ayant été déposé à l’appui d’un « projet réalisé pour le compte de l’Etat », et délivré par le préfet.
La commune de Bollène disposait donc certainement d’un intérêt à contester la légalité du permis tacite, ce dont aura à connaître le juge des référés auquel le Conseil d’Etat a renvoyé l’affaire.
Stéphanie TRAN
Vivaldi-Avocats