Précisions concernant l’obligation de reclassement de l’employeur en matière d’inaptitude

Pierre FENIE

Lorsque le salarié conteste la comptabilité de l’emploi proposé avec les restrictions médicales, il incombe à l’employeur de solliciter un nouvel avis du médecin du travail.

Aux termes de l’article L. 1226-10 du Code du travail, lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Le texte ajoute que cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail[1].

Toutefois, lorsque le salarié conteste la compatibilité du poste proposé avec les recommandations émises dans l’avis d’inaptitude, il appartient à l’employeur de solliciter à nouveau l’avis du médecin du travail.

Dès lors, une cour d’appel peut à bon droit déduire que, faute d’avoir fait valider le poste proposé par le médecin du travail et face aux contestations émises par le salarié quant à son adéquation avec son état de santé, l’employeur aurait dû solliciter un nouvel avis médical. À défaut de l’avoir fait, il manque à son obligation de reclassement.

Dans l’arrêt du 22 octobre 2025, un salarié, monteur vendeur, a été placé en arrêt de travail suite à une maladie professionnelle prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels faisant suite à une décision de la CPAM.

Le salarié a finalement été déclaré inapte à son poste par avis du médecin du travail et a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le salarié a contesté son licenciement et a notamment soutenu que l’employeur avait manqué à son obligation de reclassement.

A l’issue de la visite de pré-reprise, le médecin du travail avait considéré que « la reprise [du salarié] à son poste de travail paraît difficile ; il peut occuper un poste de vendeur ». Puis l’avis d’inaptitude précisait que le salarié « peut occuper un poste de vendeur ; peut occuper un poste sans gestes répétitifs des membres supérieurs et sans gestes bras au-dessus de la ligne horizontale des épaules. »

Dans le prolongement de l’avis d’inaptitude, l’employeur avait, par un courrier adressé au médecin du travail, informé ce dernier de ce que le poste de vendeur, respectant ses préconisations, allait être proposé au salarié.

Le salarié avait pourtant refusé le poste de vendeur au motif qu’il n’aurait pas été compatible avec les préconisations du médecin du travail.

Par un jugement en date du 19 mai 2021, le conseil de prud’hommes a retenu que l’employeur avait manqué à son obligation de recherche de reclassement et que de ce fait, le licenciement du salarié repose sur une cause qui n’est ni réelle, ni sérieuse. La Cour d’appel, dans son arrêt du 7 mars 2024[2], a également statué en ce sens. L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation.

La Cour d’appel a considéré que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement et l’a condamné au paiement d’une indemnité pour licenciement dénué de cause réelle ni sérieuse. La Cour a retenu qu’il n’était pas établi que le poste de vendeur avait été validé par le médecin du travail au vu d’un descriptif précis du poste, que le contenu de l’échange avec l’employeur visé par l’avis d’inaptitude n’était pas connu, et que le courrier par lequel l’employeur précisait au médecin du travail qu’il allait, conformément aux préconisations contenues dans l’avis d’inaptitude, proposer le poste de vendeur au salarié, ne « précise aucunement les tâches accomplies par un vendeur. » La Cour d’appel en a déduit que l’employeur aurait dû consulter une nouvelle fois le médecin du travail.

En réponse, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L. 1226-12, alinéa 3, du Code du travail, lorsque l’employeur a proposé un emploi conforme aux dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail, l’obligation de recherche de reclassement est réputée satisfaite.

Lorsque le salarié conteste la compatibilité de l’emploi proposé avec les recommandations du médecin du travail émises dans l’avis d’inaptitude, il appartient à l’employeur de solliciter à nouveau l’avis de ce dernier.

La cour d’appel, qui a constaté que le médecin du travail avait déclaré le salarié inapte à son poste, apte à occuper un poste de vendeur et apte à occuper un poste sans gestes répétitifs des membres supérieurs et sans gestes amenant à placer le bras au-dessus de la ligne des épaules, a relevé qu’un poste de vendeur avait été proposé au salarié, que celui-ci avait refusé au motif qu’il ne lui apparaissait pas compatible avec les préconisations du médecin du travail.

Elle a ensuite retenu que le médecin du travail n’avait pas validé le poste de vendeur au vu d’un descriptif précis des tâches à accomplir, que, s’il avait eu un échange avec l’employeur le, le contenu de cet échange n’était pas connu, et qu’en outre, la lettre dans laquelle l’employeur prétendait que le poste de vendeur était conforme à ses recommandations ne précisait pas les tâches du vendeur.

Pour la Haute juridiction, la Cour d’appel, qui a ainsi fait ressortir que le poste de vendeur proposé n’avait pas été préalablement validé par le médecin du travail, en a exactement déduit qu’au regard des contestations émises par le salarié quant à la compatibilité du poste proposé avec son état de santé, il incombait à l’employeur de solliciter un nouvel avis du médecin du travail, ce que celui-ci ne justifiait pas avoir fait.

La Chambre sociale confirme que la Cour d’appel a valablement motivé sa décision en retenant que l’obligation de reclassement n’avait pas été satisfaite.

Cette décision réaffirme que la régularité de la procédure de licenciement pour inaptitude repose sur l’obligation de loyauté de l’employeur dans la recherche de reclassement. Cette recherche doit résulter d’une coopération entre l’employeur et la médecine du travail, de sorte que lorsque le salarié conteste la comptabilité de l’emploi proposé avec les restrictions médicales, l’employeur doit solliciter la médecine du travail.

Cette recherche active constitue un moyen de démontrer que la recherche d’un poste de reclassement est réalisée de façon loyale.

Sources : Cass. soc., 22 octobre 2025, n° 24-14.641


[1] C. trav., art. L. 1226-12

[2] CA Angers, 7 mars 2024 n°21/00318

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