SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 09 juin 2022, n°20-16.992 (FS-B rejet).
Un salarié a été engagé, à compter du 10 mars 2001 par une société appliquant la convention collective des industries chimiques, en qualité d’ouvrier hautement qualifié, à raison de 8 heures par semaine, suivant un contrat à durée déterminée renouvelé puis transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 07 septembre 2002.
Le salarié occupait en dernier lieu le poste de conducteur d’engins et a été licencié pour motif économique le 16 octobre 2015.
Contestant son licenciement, il a saisi le Conseil de Prud’hommes de diverses demandes de rappel de salaire et d’indemnités, demandant notamment la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein.
En cause d’appel, cette affaire arrive par-devant la Cour d’appel de COLMAR, laquelle dans un arrêt du 30 avril 2020, va accueillir la demande du salarié de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein, celui-ci invoquant le fait d’avoir travaillé au-delà de la durée légale en septembre 2013 mais aussi d’autres mois comme octobre 2013 et janvier 2014.
Alors que l’employeur prétendait à une fin de non-recevoir, soutenant que le salarié n’avait atteint la durée légale du travail qu’en septembre 2013 ce dont il avait eu connaissance à réception de son bulletin de paie, et considérait que le salarié qui n’avait saisi le Conseil de Prud’hommes que le 12 novembre 2016 était prescrit dans ses demandes.
Toutefois, la Cour d’appel va faire échec à cette demande de fin de non-recevoir, considérant que le point de départ du délai de prescription n’est pas l’irrégularité invoquée par le salarié au soutien de sa demande de requalification mais la date d’exigibilité des rappels de salaires dus en conséquence de cette requalification en contrat de travail à temps complet.
Dès lors, la Cour d’appel considère que le délai de prescription a été interrompu par la saisine de la juridiction prud’homale le 12 décembre 2016, étant précisé que le salarié avait été licencié par lettre du 16 octobre 2015 de sorte qu’elle considère que n’étaient pas prescrits les rappels de salaire échus à compter de novembre 2013 soit moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail dont le salarié demandait paiement.
Par suite, le salarié ayant produit son bulletin de paie du mois de septembre 2013 justifiant avoir travaillé 182 heures au mois d’août 2013, la Cour d’appel lui accorde la requalification de son contrat de travail en temps plein à compter de cette date.
Ensuite de cette décision, l’employeur forme un Pourvoi en Cassation.
A l’appui de son Pourvoi, l’employeur prétend que l’action en requalification du contrat de travail en temps partiel en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire qui se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, de sorte que lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d’un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la 1ère irrégularité, être requalifié en contrat à temps plein de sorte que le salarié qui avait travaillé 182 heures en août 2013 la requalification aurait dû être obtenue à compter de septembre 2013, il en résultait que l’action en requalification et en paiement des salaires était prescrite lors de la saisine de la juridiction prud’homale le 12 décembre 2016.
L’employeur reproche également à la Cour d’appel d’avoir considéré que n’était pas prescrits les rappels de salaire échus à compter de novembre 2013, soit moins de trois ans avant la date de rupture du contrat de travail, estimant qu’elle aurait dû vérifier la prescription de l’action en requalification en retenant comme point de départ le moment où celui qui l’exerçait avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Mais la Chambre sociale de la Haute Cour ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.
Soulignant que la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel en salaire fondée sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l’article L 3245-1 du Code du travail,
Et soulignant que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible de sorte que pour les salariés payés au mois la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle de paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré,
Elle relève que le salarié ayant atteint la durée légale du travail en septembre 2013, la Cour d’appel en a exactement retenu que le point de départ du délai de prescription n’était pas l’irrégularité invoquée par le salarié mais la date d’exigibilité des rappels des salaires dus en conséquence de la requalification, que la prescription avait été interrompue par la saisie de la juridiction prud’homale le 12 décembre 2016 et la Cour d’appel, qui a ensuite retenu que les rappels de salaires échus à compter du mois de novembre 2013 soit moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail n’étaient pas prescrits, en a exactement déduit que le salarié était fondé dans sa demande de paiement d’une rémunération sur la base d’un temps plein à compter du mois de septembre 2013.
Par suite, la Chambre sociale de la Haute Cour rejette le Pourvoi.