Source : CCass, 1ere civ, 2/09/2020, n°19-14.604, publié au Bulletin, FS-P+B
Les statuts d’une société constituent la loi des associés. Ils doivent donc envisager les différents cas de figure pouvant se présenter au cours de la vie de la société, en ce compris le décès d’un associé.
Les statuts prévoient généralement que la société n’est pas dissoute par le décès d’un associé et qu’elle continue avec les héritiers sous réserve de leur agrément. A défaut, l’article 1870 du code civil prévoit une telle situation.
Ainsi, en cas de décès d’un associé, ses héritiers ne deviennent pas automatiquement associés. Les associés survivants doivent préalablement donner leur consentement compte tenu de l’intuitu personnae ayant conduit à l’association.
En l’espèce, deux époux associés d’une même société sont décédés à quelques années d’intervalles. Leurs stipulations testamentaires instituaient comme légataire particulier les autres associés pour leurs parts dans la société. L’épouse décédée en dernier laissait par ailleurs comme successeur un neveu qui a introduit une procédure pour se voir reconnaître, en sa qualité d’héritier, le droit aux dividendes sur les parts de son ayant droit jusqu’à la délivrance du legs aux autres associés.
La Cour d’Appel saisie du litige a rejeté ses demandes aux motifs qu’il n’avait pas la qualité d’associé. La Cour de Cassation, au visa des articles 1870 et 1870-1 du code civil, valide ce raisonnement et rejette le pourvoi du neveu.
Elle juge que « s’il n’est associé, l’héritier n’a pas la qualité pour percevoir les dividendes, fut ce avant la délivrance du legs de ces parts à un légataire ».
Le droit à dividende, comme le droit de vote, est un attribut uniquement réservé aux associés. Les héritiers non agréés n’ont droit, comme le prévoit l’article 1870-1 du code civil, qu’à la valeur des parts de leur auteur. La Cour de Cassation rappelle ainsi que ce principe ne souffre aucune exception.
Ainsi, entre le décès de l’associé et le paiement de ses droits à l’héritier non agréé (valeur des parts à la date prévue par les statuts, la plupart du temps au décès de l’associé), celui-ci est dans un no man’s land juridique dès lors qu’il ne peut ni participer à la vie de la société en lieu et place de son ayant droit ni appréhender les fruits des parts dont il a hérité.
Comme en cas de dissolution d’une communauté dont dépendent des parts de société lorsque l’époux commun en bien n’a pas revendiqué la qualité d’associé, il faut distinguer les droits économiques des droits politiques que conférent à son titulaire les parts d’une société. Si les premiers se transmettent automatiquement, ce n’est pas le cas des seconds qui dépendent, dans la plupart des cas, de l’accord des associés survivants.