Ouverture de compte bancaire au profit d’une personne morale : la banque doit vérifier systématiquement les pouvoirs du représentant légal

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 14 juin 2016, n°14-26.358, F-D

 

I – Les faits

 

Une banque ouvre un compte bancaire au profit d’une mutuelle, mais le secrétaire général détournera des fonds. La mutuelle assigne la banque en responsabilité, lui reprochant notamment de ne pas avoir vérifié le pouvoir du mandataire de faire fonctionner le compte.

 

Elle estime en effet que par cette faute, la banque a contribué à la réalisation du dommage. Les juges du fond ont débouté la mutuelle de ses demandes, qui s’est donc pourvue en cassation.

 

II – L’arrêt de cassation

 

Pour la Haute juridiction, c’est à tort que la cour d’appel a rejeté les demandes de la mutuelle, au seul motif que la banque avait légitimement pu croire que le président de la mutuelle avait le pouvoir de donner la signature sur les comptes au secrétaire général, et qu’elle n’avait pas à vérifier ce pouvoir par l’examen des statuts.

 

L’arrêt est cassé.

 

III – Comment doit agir une banque pour ouvrir un compte bancaire au profit d’une personne morale ?

 

La réponse est d’abord réglementaire, et se trouve à l’article R.312-2 alinéa 2 du Code monétaire et financier : la banque doit demander la présentation de l’original ou de la copie de tout acte ou extrait de registre officiel datant de moins de trois mois constatant la dénomination, la forme juridique, l’adresse du siège social et l’identité des dirigeants de la personne. En pratique, il s’agit d’un extrait K bis datant de moins de trois mois.

 

La réponse est aussi jurisprudentielle : une banque qui ouvre un compte à une personne morale doit vérifier la conformité à la loi et aux statuts des pouvoirs des représentants de cette personne, tant lors de l’ouverture du compte qu’au cours de son fonctionnement en cas de changement de mandataire[1].

 

Les vérifications de la banque s’étendent également à la réalité du pouvoir du ou des représentants appelés à faire fonctionner le compte. En l’espèce, un examen des statuts aurait révélé que le président ne pouvait pas déléguer ce pouvoir sans l’accord du trésorier.

 

La banque ne peut pas échapper à sa responsabilité en se prévalant de sa croyance légitime dans le pouvoir du prétendu mandataire car une telle croyance n’est admise qu’en présence de circonstances autorisant un cocontractant à ne pas vérifier la réalité de ce pouvoir.

 

La responsabilité de la banque qui a effectué les vérifications ci-dessus ne peut pas être recherchée pour avoir délivré des moyens de paiement à un dirigeant malhonnête. Ainsi, en l’absence d’élément suspect propre à jeter le doute sur l’honnêteté d’une société étrangère à qui elle a ouvert un compte et sur celle de son représentant, qui avait émis par la suite des chèques sans provision, une banque, qui avait respecté les dispositions législatives et réglementaires applicables et même accompli des diligences complémentaires, n’a pas été jugée fautive pour avoir ouvert ce compte et remis le chéquier au dirigeant sans autres investigations[2].

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats


[1] Cass. com., 27 mai 2008, n°07-15.132, FS-P+B

[2] Cass. com. 26 mai 2004, n°02-11.257, F-D

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