Obligation de délivrance du bailleur et liberté contractuelle

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

 

Sources : Cass. 3ème civ., 18 févr. 2014, n°12-13.271 – Juris Data n°2014-002918

(Cf également : CA Aix en Provence, 11ème ch., sect. A, 3 déc. 2013 – Juris Data n°2013-029102).

 

Pour rappel ; il résulte des dispositions de l’article 1719 du Code civil que :

 

« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :

 

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;

2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;

3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations ».

 

Aussi, l’article 6 alinéa 2 de la loi du 6 juillet 1989 dispose :

 

« Le bailleur est obligé :

 

a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;

b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;

c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;

d) De ne pas s’opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée ».

 

En l’espèce, les consorts X…, propriétaires d’un appartement donné à bail à M. et Mme Y…, ont assigné ceux-ci en référé aux fins de paiement d’une provision à valoir sur un arriéré de loyers et charges.

 

Les locataires ont, à titre reconventionnel, formé une demande d’indemnisation de leur préjudice de jouissance.

 

Pour rejeter la demande d’indemnisation du préjudice de jouissance, la Cour d’appel d’Aix en Provence a, statuant sur renvoi après cassation par un arrêt en date du 10 juin 2011, retenu que « le contrat de bail stipulait la mise à disposition d’un réfrigérateur dont l’entretien incombait au locataire et que :

 

       la défectuosité du réfrigérateur était connue lors de l’entrée dans les lieux,

 

       sans engagement des bailleurs de procéder aux réparations utiles ou à son remplacement ».

 

Cet arrêt a cependant été cassé et annulé par la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation au visa des dispositions précitées.

 

Il en résulte en effet, de première part, que la connaissance de l’état des lieux par le locataire n’exonère pas le bailleur de son obligation de délivrer un logement en bon état d’usage et de réparation avec les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, le preneur ne pouvant renoncer à l’application des dispositions de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 laquelle est d’ordre public.

 

De seconde part, et consécutivement, il est constant que l’obligation de délivrance du bailleur ne saurait être conditionnée par un engagement de faire exprès de ce dernier dès lors que cette obligation de délivrance ne résulte pas de sa volonté mais de la Loi et ce, « sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière ».

 

Notons que si le bailleur ne peut échapper à cette obligation et ce, quelque soit la tolérance et/ou la volonté du preneur à son entrée dans les lieux, il peut néanmoins échapper à ses contraintes matérielles d’exécution en convenant expressément, avec le preneur « des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter »

 

Cette délégation n’est cependant pas neutre financièrement dès lors que cette clause devra prévoir les « modalités de leur imputation sur le loyer », ce qui peut être source de litige s’agissant tant de la nature précise que du montant des travaux que le preneur entendra exécuter ou faire exécuter.

 

A noter également que la Jurisprudence de la Cour d’appel d’Aix en Provence a depuis évolué et semble aujourd’hui conforme à celle de la Cour de cassation puisque, par un récent arrêt du 3 décembre 2013, celle ci a considéré, s’agissant d’éléments d’équipement ne revêtant pourtant pas un caractère usuel, que « manque à ses obligations de délivrance et d’entretien le bailleur qui loue une maison avec divers équipements pour un loyer mensuelle de 6 000 € alors que certains de ces équipements ne fonctionnent pas. En l’espèce, le hammam n’a jamais fonctionné et la salle de sport n’a pu être utilisée. Un constat d’huissier démontre également un défaut d’entretien affectant la piscine et des espaces verts des abords de cette piscine comme de la maison, le défaut d’entretien étant imputable au bailleur » en sorte que le bailleur a été condamné au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’agrément et de jouissance subi par le preneur sans que la Cour ne recherche si le bailleur s’était ou non engagé à procéder au réparations utiles, cette obligation résultant de la Loi.

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

 

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