Obligation de délivrance de la chose louée : le bailleur peut être tenu de tout … sauf de l’impossible !

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

SOURCE : Cass. civ 3ème, 13 octobre 2021, n°20-19278, FS – B

 

I –

 

Dans les faits, deux bailleurs personnes physiques ont donné à bail des locaux commerciaux à usage de débit de boissons, restaurant et dancing.

 

En cours de bail, des désordres affectant la charpente des locaux donnés à bail ont été constatés par la commission de sécurité de la commune du lieu de situation de l’immeuble. C’est dans ces conditions que le maire de la commune a ordonné la fermeture au public de l’établissement.

 

Invoquant un manquement des bailleurs à leurs obligation de délivrance, le preneur a assigné ces derniers en résolution judiciaire du bail commercial, en restitution des loyers perçus et en indemnisation des divers préjudices.

 

II –

 

Déboutés en appel de leur demande de résolution judiciaire du bail commercial, les requérants ont fait valoir :

 

  Que les bailleurs ont manqué à leur obligation de délivrance ;

 

  Qu’il appartenait aux bailleurs, en exécution de leur obligation de délivrance, de veiller de façon constante, et sans avoir même à être informés par leur locataire de la nécessité de travaux à effectuer, à l’état de l’immeuble donné à bail.

 

La Cour d’appel avait notamment exonéré les bailleurs de leur obligation de délivrance de l’immeuble aux motifs que le locataire ne démontrait pas que le désordre affectant la charpente (i) existait antérieurement à la conclusion du bail et (ii) que le désordre « était visible des bailleurs ».

 

III –

 

La Haute Juridiction rejette le pourvoi aux motifs que :

 

« Sans préjudice de l’obligation continue d’entretien de la chose louée, les vices apparus en cours de bail et que le preneur était, par suite des circonstances, seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci [le bailleur] n’a pris aucune disposition pour y remédier ».

 

La Cour de cassation juge également d’une part qu’ :

 

« Il n’était pas établi que le désordre affectant la charpente existait antérieurement à la conclusions du bail ».

 

Et d’autre part que :

 

«  Le locataire, averti [dès le mois de janvier 2013] d’une difficulté liée à l’état de la charpente, n’en avait informé les bailleurs [que le 14 janvier 2015] et que ceux-ci avaient pris alors les dispositions nécessaires pour y remédier mais que le locataire n’avait tenu aucun compte de leur offre de travaux qui auraient été de nature à mettre un terme aux désordres allégués ».

 

Les Juges du Quai de l’Horloge ont donc jugé à juste titre que les bailleurs n’avaient pas manqué à leur obligation de délivrance pendant l’exécution du bail.

 

La solution aurait été toute autre si les désordres, constatés par le preneur, avaient été signalés en temps utiles aux bailleurs, et si ces derniers, informés de leur survenance n’avaient pris aucune disposition pour y remédier.

 

[1] Cass. civ 3ème, 10 septembre 2020, n°18-21890, FS – D

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