Modification de la forme juridique des groupements d’opérateurs économiques candidats à des marchés publics

Harald MIQUET
Harald MIQUET

 

Source: Question écrite n° 00829 de M. Jean-Claude Carle et Réponse du Ministère de l’action et des comptes publics publiée dans le JO Sénat du 12/10/2017 – page 3146

 

La modification de la forme juridique des groupements d’opérateurs économiques à l’occasion d’un appel d’offres est d’abord une question d’opportunité tant pour le pouvoir adjudicateur qui la sollicite que pour les candidats qui décident d’y soumissionner.

 

En effet, l’opportunité d’imposer à un groupement d’opérateurs une forme solidaire ou conjointe implique au préalable que le pouvoir adjudicateur inscrive dans l’avis d’appel à concurrence initial ou dans le règlement de consultation initial la forme de groupement requise.

 

L’information des opérateurs économiques ne doit pas être ambigüe. Ainsi, les stipulations du règlement de la consultation doivent permettre aux candidats de connaître à l’avance clairement le choix que fera la collectivité entre les formes de groupement souhaitées par elle.

 

Ainsi dans sa décision « Communauté d’Agglomération du Pays Voironnais (CAPV)[1] », le Conseil d’Etat a jugé que le règlement de la consultation qui dispose que : « En cas de groupement, la forme souhaitée par la personne responsable du marché est un groupement solidaire ou conjoint sans mandataire solidaire. Si le groupement attributaire du marché est d’une forme différente, il pourra se voir contraint d’assurer sa transformation pour se conformer au souhait de la personne responsable du marché tel qu’il est indiqué ci-dessus » ne permet pas aux candidats de connaître à l’avance clairement le choix que ferait la collectivité entre les deux formes de groupement souhaitées par elle.

 

Pour autant, la réponse ministérielle rappelle que les entreprises sont libres de soumissionner au marché public dans une forme différente que celles prescrites par les documents de consultation entreprise. Cette latitude trouve un fondement dans l’acquis jurisprudentiel de la cour administrative de Nantes dans son arrêt du 27 juin 2008, communauté de communes de la plaine d’argentan Nord, n° 07NT01245.

 

Ce n’est qu’au stade de l’attribution du marché que les opérateurs économiques devront caractériser leur engagement.

 

En ce sens, l’article 45 II du décret 2016-360 du 25 mars 2016 énonce que l’acheteur ne peut exiger que les groupements d’opérateurs économiques adoptent une forme juridique déterminée après l’attribution du marché public que dans la mesure où cela est nécessaire à sa bonne exécution. Cette exigence doit être rappelée au sein même des documents de la consultation précisant la convention de groupement d’entreprises.

 

Cette faculté de candidater librement ne peut se heurter qu’à une limite essentielle, franchie si les opérateurs économiques venaient à refuser expressément dans leur lettre de candidature la forme juridique imposée par les documents de la consultation.

 

Dès lors, le pouvoir adjudicateur serait sans conteste fondé à rejeter l’examen de la candidature laquelle pourrait être appréhendée comme irrecevable au sens des dispositions de l’article 55-IV du décret 2016-360.

 

A compter de la notification du marché, les entreprises adjudicatrices sont tenues de se conformer à la forme de groupement prescrite. A défaut, le manquement à de telles obligations exposent les entreprises contrevenantes à une interdiction de soumissionner facultative prévue au visa de l’article 48 de l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 qui dispose que : « 1° Les personnes qui, au cours des trois années précédentes, ont dû verser des dommages et intérêts, ont été sanctionnées par une résiliation ou ont fait l’objet d’une sanction comparable du fait d’un manquement grave ou persistant à leurs obligations contractuelles lors de l’exécution d’un contrat de concession antérieur ou d’un marché public antérieur ; »

 

Le chemin de la modification de la forme juridique des groupements d’opérateurs économiques candidats à un marché public est ainsi balisé.

 

Le pouvoir adjudicateur peut à l’occasion d’un appel d’offres imposer une forme juridique de groupement. Cette exigence ne peut empêcher les candidats de soumissionner librement dans une forme de groupement, sauf à ce que ces derniers refusent expressément de se conformer aux attentes du pouvoir adjudicateur.

 

Ce n’est qu’au stade de la notification que les opérateurs, sélectionnés au terme de la procédure de sélection, doivent se conformer au type de groupement déterminé par le pouvoir adjudicateur.

 

Ce mécanisme en deux temps s’explique aisément du fait qu’il serait économiquement pénalisant pour l’ensemble des soumissionnaires de se conformer à une obligation de groupement spécifique, génératrice de coûts supplémentaires sans que ces derniers n’aient la certitude d’être adjudicataires de la procédure de sélection.

 

Harald MIQUET

Vivaldi-Avocats

 


[1] Conseil d’Etat, 29 octobre 2007, n° 301065, Communauté d’Agglomération du Pays Voironnais (CAPV),

 

 

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