Source : CAA Nantes, 1ère chambre, 9 septembre 2021, n° 19NT04286
Le Code général des impôts, en son article 209-I, prévoit que les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l’imposition revient à la France par application d’une convention internationale relative aux doubles impositions, sont passibles de l’impôt sur les sociétés.
A ce titre, dès lors qu’il y a l’existence d’un établissement stable en France, les bénéfices ainsi réalisés dans cet établissement sont taxés en France. La notion d’établissement stable désigne, de manière générale, une installation fixe d’affaires ayant une activité propre en France ou un agent dépendant en France ayant le pouvoir d’engager la société.
En présence de la seule mise à disposition de personnel en France sans que l’existence d’un établissement stable soit constatée, le droit d’imposer ne peut revenir à la France.
Il est important de noter que chaque convention fiscale a sa propre définition d’établissement stable et qu’il convient de bien les étudier en fonction du pays en cause dans l’espèce.
En l’espèce, une entreprise française a eu recours à des sous-traitants et notamment à une société dont le siège social est situé à Nicosie, à Chypre.
De ce fait, les dispositions du droit français doivent être appréhendées au regard de la convention signée en la France et Chypre. Celle-ci précise que « les bénéfices d’une entreprise d’un État ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre État par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable ».
Autrement dit, en la présence d’un établissement stable en France, les bénéfices imputables à cet établissement sont imposables en France.
A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a mis à la charge de la société chypriote des rappels en matière de TVA, de taxe d’apprentissage, d’impôt sur les sociétés, etc., portant sur les bénéfices réalisés en France.
La société chypriote n’ayant procédé à aucun paiement, l’administration fiscale a adressé un avis de mise en recouvrement à la société française ayant fait appel à ce sous-traitant.
Le tribunal administratif de Caen fait droit à la demande de la société française tendant à la décharge de ces impositions.
La Cour administrative d’appel de Nantes est ainsi invitée à se prononcer par suite d’un appel du ministre de l’économie, des finances et de la relance.
La Cour rappelle que les éléments retenus par l’administration fiscale afin de prouver l’existence d’un établissement autonome en France étaient les suivants :
Les travailleurs sont intervenus pour le compte de la société française pendant plus d’un an;
Les contrats de travail ont été signés en France;
La représentante de la société chypriote était en France et établissait les bulletins de paie et signait différents documents transmis notamment à l’administration fiscale ;
Le contrat signé entre la société française et la société chypriote prévoyait la mise à disposition de quinze équipes, de plusieurs chefs de chantiers et d’un coordinateur administratif francophone.
Dans son arrêt, la Cour juge que la société chypriote avait bien des représentants permanents en France et donne raison à l’administration fiscale qui retenait qu’une telle organisation ne pouvait pas s’apparenter à une simple mise à disposition de personnel.
Ainsi, même si le contrat prévoyait une mise à disposition de personnel, l’ampleur de l’organisation permet de justifier la présence d’une installation fixe d’affaires en France et donc de conduire à l’imposition des bénéfices venant de cette installation en France.