Dans un nouvel arrêt qui reçoit les honneurs de la publication au bulletin, la Cour de Cassation revient sur l’opportunité qu’a le tribunal, de clôturer un redressement judiciaire lorsque le débiteur peut payer ses dettes et frais de procédure durant la période d’observation.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-17.894, Publié au bulletin
I –
La procédure du redressement judiciaire permet à l’entreprise qui se trouve face à l’impossibilité temporaire de payer ses dettes, de bénéficier de la suspension des poursuites par les créanciers, de l’arrêt des intérêts et majorations, et divers avantages permettant le maintient de l’activité et des salariés, tout en apurant le passif.
Plusieurs issues sont possibles, soit un plan est adopté et tenu, la société peut sortir de la procédure collective au terme de l’apurement du plan de redressement, soit le redressement est impossible et la procédure se transforme en liquidation judiciaire.
Mais par ailleurs, il est aussi possible qu’au cours du redressement, l’entreprise bénéficie de nouveau des sommes suffisantes pour faire face à ses dettes. A ce titre, le Code de commerce prévoit :
- à l’article L631-16, que :
« S’il apparaît, au cours de la période d’observation, que le débiteur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et les dettes afférents à la procédure, le tribunal peut mettre fin à celle-ci.
Il statue à la demande du débiteur, dans les conditions prévues au deuxième alinéa du II de l’article L. 631-15 ».
- à l’article R631-25, que :
« La décision par laquelle le tribunal met fin à la procédure en application de l’article L. 631-16 est suivie sans délai d’un compte rendu de fin de mission déposé par les mandataires de justice dans les conditions des articles R. 626-39 et R. 626-40. Elle est communiquée aux personnes mentionnées à l’article R. 621-7 et fait l’objet des publicités prévues à l’article R. 621-8. L’article R. 626-41 est applicable ».
En effet, une société placée en redressement judiciaire subit une large publicité de l’ouverture de la procédure collective, par publication au BODACC, ce qui peut créer de la méfiance vis-à-vis de ses partenaires, créanciers, fournisseurs. La société peut avoir intérêt à y mettre un terme le plus rapidement possible.
Ainsi donc grâce à ce texte, le débiteur peut solliciter par requête, la clôture de la procédure de redressement judiciaire dès lors qu’il dispose des sommes suffisantes, à charge pour lui de le justifier aux juges du fond, pour répondre aux conditions posées par le texte susmentionné.
II –
Aux prémices de ce contentieux, une société est assignée en redressement judiciaire par BPI France. Quelques mois plus tard, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société, et désigné un commissaire à l’exécution du plan.
Un jour, la société placée en procédure collective, dépose une demande de clôture du redressement judiciaire qui fait l’objet d’un rejet par le tribunal. En cause d’appel le jugement est confirmé, raison pour laquelle la société se pourvoit en cassation.
La société fait grief aux juges du fond de rejeter sa demande de clôture de redressement judiciaire, fondée sur l’absence de prise en compte de la rémunération « future », c’est-à-dire non encore arrêtée, du mandataire dans le passif exigible, lequel deviendrait alors supérieur au montant séquestré sur le compte dudit mandataire judiciaire.
La société argumente de diverses manières, considérant que les rémunérations ne doivent pas être inclues dans l’appréciation de la situation, pour déterminer si elle dispose ou non, des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et dettes afférentes à la procédure. Les juges du fond ont considéré que justement, le montant séquestré était en l’état, inférieur aux créances lesquelles incluent la rémunération du mandataire.
La Cour de cassation tranche et explique, que finalement, peu importe que les parties soient d’accord ou non sur la prise en compte des rémunérations du mandataire dans le passif exigible, il appert que les juges du fond exercent leur pouvoir souverain d’appréciation qu’ils tiennent directement de l’article L631-16 du Code de commerce.
Ils disposent donc d’une faculté offerte par le texte, de mettre un terme au redressement judiciaire en prenant en compte les circonstances d’espèces, mais n’ont pas d’obligations d’y procéder.
Sans opérer de revirement de jurisprudence, la Cour de cassation réitère donc le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.
En effet, dans un arrêt remarqué du 16 décembre 2008 (N°07.22.033), la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait d’ores et déjà affirmé le pouvoir souverain des juges du fond, pour apprécier la situation de l’entreprise qui formulerait une telle demande.
En l’espèce, les juges avaient refusé de mettre fin au redressement judiciaire considérant que l’entreprise n’avait concrétisé la possibilité de régler le passif échu qu’en cause d’appel, et ce au prix d’un nouvel emprunt auprès d’une banque, et de nouvelles dettes auprès des associés.
Ainsi, la possibilité d’assurer la pérennité de l’entreprise n’avait pas été démontrée….
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