L’insaisissabilité de la résidence principale à l’épreuve du temps

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 13 avril 2022, n° 20-23165, n°249 B

Un couple est propriétaire indivis de leur résidence principale. L’époux sera mis en liquidation judiciaire et, pour solder les dettes, verra son épouse s’opposer à la vente de l’immeuble par le liquidateur désigné.

Le liquidateur continuant dans cette voie assignera alors le couple en partage judiciaire de l’indivision puis de vente aux enchères publiques.

L’épouse opposera avec succès le bénéfice de la loi Macron portant sur l’insaisissabilité de la résidence principale. L’action du liquidateur sera déclarée irrecevable, la Cour d’appel retenant que « qu’il “n’est donc pas opérant d’invoquer l’applicabilité des dispositions de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette loi”.

Un pourvoi est alors formé par le liquidateur, pourvoi rejeté par la Cour de cassation en ces termes :

« 4. L’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur résultant de l’article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 n’a d’effet, en application de l’article 206, IV, alinéa 1, de cette loi, qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle après la publication de la loi. Il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l’immeuble indivis constituant la résidence principale de l’indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l’immeuble étant alors appréhendés par le gage commun.

5. Dès lors qu’il est soutenu par le liquidateur que l’essentiel des créances déclarées sont antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, et non leur totalité, l’arrêt retient exactement qu’il n’est pas opérant de la part du liquidateur, en l’espèce, d’invoquer l’opposabilité de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement, et que l’action est irrecevable.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ; »

S’il était déjà acquis que l’article L526-1 du Code de commerce n’était pas applicable aux procédures collectives ouvertes avant l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015, la Cour de cassation rappelle que l’insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle après la publication de la loi.

Surtout, l’attendu devra être souligné en cette phrase : que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l’immeuble indivis constituant la résidence principale de l’indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi

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