Cautionnement et divergence d’interprétation sur sa durée, entre la mention manuscrite et l’acte : le cautionnement est-il valable ?

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 31 janvier 2017, n°15-15.890, F-P+B+I

 

I – Les faits de l’espèce

 

Par acte sous seing privé en date du 1er février 2011, un gérant cautionne les engagements de sa société, en garantie de l’ensemble des engagements contractés auprès d’un établissement bancaire, pour un montant de 150.000 €.

 

L’acte de cautionnement est régulièrement signé et paraphé par la caution, et comporte toutes les mentions manuscrites, prescrites à peine de nullité par les articles 1326 du code Civil et L.341-2 et L.341-3 du Code de la consommation.

 

Cependant, le cautionnement stipule de façon manuscrite, en page 4, que la caution s’engage pour une durée de douze mois, tout en prévoyant dans une clause imprimée, en page 3, que ledit cautionnement cessera à la date d’échéance indiquée en page 1 du présent acte, sur laquelle page, de façon manuscrite, le durée de l’engagement est prévue jusqu’à fin octobre 2011.La caution demande en conséquence aux juges du fond de prononcer la nullité de son engagement.

 

Cette demande est rejetée, car la validité de l’engagement ne saurait être affectée par la contradiction entre ces deux dates, résolue dans le sens le plus favorable au débiteur, ce qui correspond à la volonté affirmée par les deux parties de voir garantir les engagements souscrits par la société envers la banque hauteur de la somme de 150.000 euros, jusqu’au 31 octobre 2011. Le cautionnement a ainsi été contenu dans les limites dans lesquelles il a été contracté, conformément aux dispositions de l’article 2292 du code civil. Un pourvoi en cassation est formé contre l’arrêt d’appel.

 

II – Le pourvoi rejeté

 

La caution prétend principalement que le cautionnement ne se présumant pas, il doit être exprès, impliquant que la durée de l’engagement d’une caution personne physique à l’égard d’un créancier professionnel est un élément essentiel de la mention manuscrite impérative, dont l’imprécision ou l’ambiguïté doit être sanctionnée par la nullité du cautionnement. En statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel n’aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et aurait violé par conséquent l’article L.341-2 du Code de la consommation.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi, au motif que l’acte de cautionnement comporte toutes les mentions manuscrites prescrites à peine de nullité par l’article L. 341-2 du code de la consommation, et que la divergence de stipulation quant à la durée de l’engagement n’affecte en rien sa validité. L’essentiel reste d’interpréter le contrat dans le sens le plus favorable à celui qui s’engage, en pareil cas la caution.

 

III – La portée de la décision

 

C’est une décision de bon sens qui va dans l’intérêt des établissements bancaires, qu’on ne saurait priver de leurs cautionnements pour des motifs d’interprétation littérale relativement douteux, pour ne pas dire de mauvaise foi.

 

La solution inverse, c’est-à-dire la nullité du cautionnement pour une divergence de stipulation de sa durée entre la mention manuscrite et la clause imprimée, aurait été particulièrement sévère pour les banques, et aurait annihilé l’économie du contrat de cautionnement.

 

La Cour de cassation a préféré, à juste titre, faire application des articles 1156 et 1162 du Code civil, disposant qu’on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes, mais également les interpréter dans le sens le plis favorable à celui qui s’engage.

 

Dernière précision toutefois, si l’arrivée du terme signifie effectivement l’extinction de l’obligation de couverture, il ne faut oublier que la caution demeure tenue d’une obligation de règlement pour les dettes nées antérieurement au terme. En outre, la caution, dont l’obligation est ainsi limitée dans le temps, ne peut rétracter son engagement sans l’accord du créancier, même si celui-ci n’a pas encore remis les fonds à l’emprunteur.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

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