Limite des pouvoirs du Juge de l’exécution en matière de saisie immobilière

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Civ.2., 14 janvier 2021, n°19-20517, n°51 P + I

 

Le Code de l’organisation judiciaire définit les pouvoirs du Juge de l’exécution et en précise les limites.

 

Ainsi, l’article L213-6  de ce Code précise :

 

« Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

 

Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.

 

Le juge de l’exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.

 

Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.

 

Il connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

 

Le juge de l’exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d’exécution. »

 

En l’espèce, le Juge de l’exécution saisi dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière déboute le défendeur de ses demandes et ordonne la vente forcée de l’immeuble.

 

Insatisfait, il interjette appel sans succès.

 

La Cour de cassation quant à elle cassera l’arrêt soumis à son étude sur le fondement de l’article 455 du Code de procédure civile estimant alors que les dernières conclusions de l’appelant (débiteur saisi) n’ont pas été prises en compte.

 

Dans cet intervalle, la créance de la banque sera entièrement payée. La Banque renonce alors à requérir la vente.

 

Les suites de la cassation devant être purgées, la Cour d’appel de renvoi se prononce sur la question de la prescription de la créance du poursuivant soulevée par le débiteur et confirmera le jugement rendu en première instance.

 

Un second pourvoi sera alors formé par le débiteur saisi, pourvoi contesté par la Banque.

 

Si la procédure de saisie immobilière s’est terminée par l’effet de la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière, le débiteur conserve un intérêt au pourvoi dans la mesure où la cour d’appel a confirmé le jugement du juge de l’exécution fixant notamment la créance du poursuivant et rejetant sa demande tendant à voir déclarer ladite créance prescrite, dispositions revêtues de l’autorité de la chose jugée. Le pourvoi est donc recevable.

 

Mais, la Cour estime que pour confirmer le jugement entrepris, l’arrêt se prononce sur la question de la prescription de la créance du créancier poursuivant.

 

La Cour de cassation cassera l’arrêt d’appel et précisera dans son attendu que :

 

« En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que par suite du paiement de l’intégralité de sa créance, la procédure de vente forcée de l’immeuble de Mérignac était devenue sans objet pour le Crédit foncier de France, qui ne pouvait que renoncer à la requérir à l’audience du tribunal de grande instance de Bordeaux du 16 février 2017, et que la caducité du commandement valant saisie immobilière avait été prononcée, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

 

La Cour de cassation rejette l’analyse de la cour d’appel de renvoi et lui reproche d’avoir jugé l’affaire sur le fond, alors qu’elle a constaté que la procédure de vente forcée était devenue sans objet, à la suite du règlement de la créance et de la caducité du commandement valant saisie immobilière.

 

Au visa de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, la Cour de cassation refuse d’examiner les griefs du pourvoi sur le fond.

 

Toutefois, elle infirme le jugement rendu à l’origine par le Juge de l’exécution, jugement qui dans le cas contraire pouvait bénéficier de l’autorité de la chose jugée en l’absence de voie de recours. Le débiteur retrouve ainsi sa liberté pour tenter de faire valoir la prescription de la créance, qu’il a été contraint de régler, selon la voie ordinaire et indépendamment de la procédure de saisie immobilière.

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