SOURCE : Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 26 février 2020, numéro 18-10.017 (FS-P+B)
Une salariée engagée le 15 décembre 1986 en qualité de secrétaire commerciale, exerçant ses fonctions à temps partiel depuis le 1er janvier 2002, a été placée en arrêt maladie à compter du 18 janvier 2012, arrêt prorogé à plusieurs reprises.
Son employeur ayant appris qu’elle exerçait une autre activité professionnelle pendant son arrêt, il a sollicité la désignation d’un Huissier de Justice afin de constater cette situation.
L’Huissier de justice a effectué un constat le 6 juin 2012 à 16 heures. Aux termes du procès-verbal dressé par l’Huissier de Justice, il s’est avéré que la salariée tenait une boutique située dans PARIS, boutique de vente de cadeaux et de bibelots au sein de laquelle elle était seule à accueillir les clients et exposants et utilisait l’ordinateur de la boutique, ce qui ne laissait subsister aucun doute quant à l’exercice d’une activité réelle et régulière au sein de cette société.
Son employeur a, en outre, constaté qu’elle était devenue associée unique de cette société depuis le 28 octobre 2011 mais qu’elle n’avait régularisé les actes de cession uniquement le 21 février 2012, soit après le début de ses arrêts maladie.
Face à cette situation, l’employeur va lui notifier son licenciement pour faute grave le 24 juillet 2012 considérant que le comportement de la salariée constituait une violation manifeste de l’obligation de loyauté, à laquelle il considérait qu’elle était tenue même durant ses arrêts maladie.
Suite à cette décision, la salariée va saisir le Conseil de Prud’hommes de demandes tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner l’employeur au paiement de diverses sommes à ce titre.
Déboutée par les premiers Juges, puis par un arrêt de la Cour d’Appel de PARIS rendu le 2 novembre 2017, laquelle considère :
– qu’il était établi que la salariée exerçait une activité professionnelle dans le cadre d’une société qui n’était pas son employeur, à une heure et un jour en raison de l’arrêt de travail pour maladie le contrat de travail la liant à cet employeur était suspendu,
– que la salariée avait continué à percevoir un complément de salaire versé par son employeur pendant son arrêt de travail pour maladie
– et qu’elle ne pouvait soutenir que son activité était bénévole ou occasionnelle puisque son compte courant d’associés s’élevait à 64 500 € au 31 décembre 2011 puis à 76 467,84 € au 31 décembre 2012,
– qu’en conséquence et peu important l’absence de caractère concurrentiel de l’activité, le régime de « sorties libres » de l’arrêt de travail ou la connaissance qu’avait l’employeur de la qualité d’associée de la salariée.
La Cour d’Appel en conclut que l’exercice de cette activité constitue une faute qui, par la déloyauté qu’elle caractérise, est d’une gravité telle qu’elle fait obstacle à la poursuite du contrat de travail.
Ensuite de cette décision, la salariée forme un pourvoi en cassation.
Bien lui en a pris, puisqu’énonçant :
– que l’exercice d’une activité pour le compte d’une société non concurrente de celle de l’employeur, pendant un arrêt maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt,
– et que dans un tel cas pour fonder un licenciement l’acte commis par un salarié pendant la suspension du contrat de travail doit causer un préjudicie à l’employeur ou à l’entreprise,
– et que ce préjudice ne saurait résulter du seul paiement par l’employeur, en conséquence de l’arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux indemnités journalières versées par la sécurité sociale,
La Chambre sociale casse et annule l’arrêt d’appel au visa des articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du Travail.