L’excès de vitesse commis dans l’exercice de ses missions ne justifie pas systématiquement un licenciement

Manon BARTIER

La Chambre sociale de la Cour de Cassation a récemment considéré qu’un salarié itinérant, qui avait commis un excès de vitesse dans le cadre de l’exercice de ses missions, ne pouvait être licencié, l’excès de vitesse étant un fait isolé et le salarié ayant proposé des alternatives pour être véhiculé.

Source : Cour de Cassation, chambre sociale, 22 janvier 2025, n°23-20.792

Dans cette affaire donc, un salarié, commercial, a commis, après huit ans d’ancienneté, un excès de vitesse important avec un véhicule appartenant à l’entreprise, de sorte que son permis de conduire lui a été retiré pour trois mois.

L’employeur, en réponse, a licencié ce salarié pour faute grave.

Le salarié contestait son licenciement, considérant que le fait était isolé, qu’aucune poursuite pénale n’avait été engagée, et que son ancienneté devait être prise en compte.

La Cour de Cassation a donc validé le raisonnement de la Cour d’appel, qui a donné raison au salarié ; de jurisprudence constante pour rappel, le salarié qui commet dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction routière entrainant la suspension ou le retrait de son permis de conduire, ne méconnaît pas ses obligations contractuelles, et ne peut donc être sanctionné[1].

S’agissant du cas d’espèce, le salarié se trouvait en mission lors de l’excès de vitesse réalisé, de sorte que son comportement, dangereux, était nécessairement fautif.

Néanmoins, la jurisprudence retient certaines circonstances atténuantes dans ce genre de cas :

  • Le manquement potentiel de l’employeur à son obligation de vigilance en matière de prévention routière (absence d’organisation de formation de sensibilisation par exemple…) ; en l’espèce, une seule formation sur huit années de présence
  • Le comportement du salarié sur l’entièreté de sa carrière ; en l’espèce, le salarié possédait encore ses douze points, et n’avait commis aucune infraction en huit ans d’ancienneté

La Cour en a déduit que les faits d’espèce, s’ils méritaient une sanction de par leur nature fautive, ne constituaient ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Concernant enfin la suspension du permis de conduire, elle ne signifie pas nécessairement la rupture du contrat de travail.

La Cour de Cassation a en effet, rappelé que la rupture du contrat de travail ne pouvait être justifiée que par l’impossibilité, pour le salarié, d’exécuter ses missions.

Au cas d’espèce, le salarié commercial avait non seulement régulièrement averti sa hiérarchie de sa suspension de permis, mais également proposé de louer un véhicule pendant les trois mois de suspension, mais encore de réorganiser ses journées en fonction de ses collègues avec qui il avait des clients en commun.

En proposant de telles solutions, il était donc totalement possible pour lui de continuer à exécuter ses missions.

La Cour rappelle enfin que lorsque le licenciement est inévitable, le salarié étant empêché d’exécuter sa prestation de travail, la lettre de licenciement doit justifier de cette impossibilité ; le préavis n’est en ce sens pas dû au salarié remercié[2].


[1] Cour de Cassation, chambre sociale, 3 mai 2011, n°09-67.464 ou encore 05 février 2014, n°12-28.897

[2] Cour de Cassation, chambre sociale, 28 février 2018, n°17-11.334

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