Les dispositions de l’article L 1235-3 du Code du travail (barème MACRON) validé par la Chambre Sociale en formation plénière de la Cour de Cassation.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 11 mai 2022, n°21-14.490 (FP-B + R Cassation) et n°21-15.247 (FP-B + R rejet).

Depuis sa publication l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, codifiée à l’article 1235-3 du Code du travail instituant un barème d’indemnisation pour les licenciements jugés sans cause réelle et sérieuse, a fait couler beaucoup d’encre, ses détracteurs la jugeant contraire à l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail et non conforme à l’article 24 de la charte sociale européenne.

La Chambre sociale de la Cour de Cassation dans sa formation plénière a mis fin aux débats dans le cadre de deux arrêts du 11 mai 2022 portant tous deux sur un cas de licenciement pour motif économique.

Dans la première espèce, soumis à la Cour d’appel de PARIS, une salariée avait été engagée en qualité de coordinatrice à compter du 02 septembre 2013 par une société exploitant un centre de santé mutualiste.

Convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique le 12 septembre 2017, elle avait ensuite adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 04 octobre 2017 puis licenciée pour motif économique le 13 octobre 2017.

Contestant son licenciement la salariée a saisi la juridiction prud’homale et en cause d’appel, la Cour d’appel de PARIS, dans un arrêt du 16 mai 2021, a écarté l’application du barème prévu par l’article L 1235-3 du Code du travail au motif que celui-ci, bien que déclaré conforme à l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT par deux avis de la Chambre plénière de la Cour de Cassation en date du 17 juillet 2019, il ne l’était pas en l’occurrence et en raison des circonstances particulières de l’espèce, de sorte qu’il était possible de l’écarter dans le cas particulier de la salariée. Par suite, alors que selon le barème, pour une ancienneté inférieure à quatre ans, l’indemnité pour licenciement injustifié aurait été comprise entre 13 211 € et 17 615 €, la Cour d’appel avait condamné l’employeur à une indemnité de 32 000 € retenant que ce montant représentait à peine la moitié du préjudice subi par la salariée en terme de diminution de ses ressources financières et ne permettaient donc pas compte-tenu de la situation concrète et particulière de la salariée âgée de 53 ans à la date de rupture, une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT.

Dans la seconde espèce, soumise à la Cour d’appel de NANCY, une salariée avait été engagée par une entreprise à compter du 15 septembre 1981 en qualité de secrétaire.

Un projet de restructuration et de réduction des effectifs emportant la suppression de 7 postes ayant été mise en œuvre à compter du 27 mars 2017, la salariée va être licenciée pour motif économique par lettre du 13 octobre 2017, la salariée ayant adhéré au congé de reclassement ayant débuté le 14 octobre 2017 pour s’achever le 22 septembre 2018.

La salariée a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale, et, en cause d’appel, la salariée qui prétendait à la contrariété à l’article 24 de la Charte sociale européenne des dispositions L 1235-3 du Code du travail, va voir son indemnisation limitée à la somme de 48 000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par la Cour d’appel de NANCY laquelle dans un arrêt du 15 février 2021 va faire application du barème prévu par l’article 1235-3 du Code du travail.

En suite de ces décisions, dans la première espèce l’employeur va former un Pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de PARIS le 16 mai 2021, reprochant à l’arrêt de l’avoir condamné à payer une somme de 32 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, par-là, d’avoir écarté l’application du barème prévu par l’article L1325-3 du Code du travail considérant que la Cour d’appel a violé les principes constitutionnels de sécurité juridique et d’égalité des citoyens devant la loi, ensemble les articles 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 10 de la Convention n°158 de l’OIT et L 1235-3 du Code du travail, reprochant à la Cour d’appel d’avoir refusé d’appliquer la loi alors que la salariée n’entrait dans aucune des exceptions prévues par l’article L 1235-3 du Code du travail permettant de ne pas en faire application.

Dans la seconde espèce, la salariée va former un Pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de NANCY en date du 15 février 2021, lui reprochant d’avoir limité à la somme de 48 000 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l’article L 1235-3 du Code du travail n’est pas contraire à l’article 24 de la Charte sociale européenne.

La formation plénière de la Chambre sociale de la Cour de Cassation, qui avait déjà rendu deux avis le 17 juillet 2019 considérant les dispositions de l’article L 1235-3 du Code du travail conformes avec celles de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT et celles de l’article 24 de la Charte sociale européenne, va dans les deux arrêts susvisés du 11 mai 2022 affirmer que le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’est pas contraire à l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT et rappeler que les dispositions de la Charte sociale européenne n’a pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particulier.

Par suite, la Chambre sociale de la Haute Cour casse et annule l’arrêt rendu le 16 mars 2021 par la Cour d’appel de PARIS en ce qu’elle avait condamné l’employeur à payer une somme de 32 000 € à titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au mépris du barème institué par l’article L 1235-3 du Code du travail.

Et la Chambre sociale de la Haute Cour rejette le Pourvoi formé par la salariée à l’encontre de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de NANCY le 15 février 2021 approuvant la Cour d’avoir fixé l’indemnité allouée à la salariée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

En conclusion selon la Chambre sociale de la Cour de cassation, le droit français permet une indemnisation raisonnable du licenciement injustifié et pour une raison de sécurité juridique, les juges ne pourront pas écarter, même au cas par cas, l’application des barèmes fixés par l’article L 1235-3 du Code du travail fixant l’indemnisation du salarié entre des minimas et des maximas compte-tenu de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise ainsi que son niveau de rémunération.

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